Présentation


Dans l’objectif de consolider les réformes et mettre en place des garanties nécessaires pour la non-répétition des violations passées, l’Instance a formulé un nombre important de recommandations et de propositions.
Ces recommandations portaient notamment sur la consolidation des garanties constitutionnelles des droits de l’Homme, l’adoption et la mise en oeuvre d’une stratégie nationale intégrée de lutte contre l’impunité, la consolidation de l’état de droit et les Mécanismes de suivi, ayant considéré que certaines questions doivent faire l’objet de procédures et desdits mécanismes de suivi.
Le 6 janvier 2006, SM Le Roi a reçu, au palais royal à Rabat, des victimes et leurs familles, les membres de l’IER, des responsables de partis politiques et d’organisations représentant la société civile pour notamment annoncer le lancement de la mise oeuvre des recommandations. A cette occasion, Sa Majesté le Roi a adressé un message à la nation dans lequel il a notamment a chargé le CCDH d’assurer la mise en oeuvre des recommandations de l’Instance.
Le suivi de la mise en œuvre des recommandations de l’IER a été donc confié à l’institution nationale des droits de l’Homme, qui avait, elle-même, recommandé la création de l’instance d’arbitrage indépendante et l’IER. Dans ce cadre, le CCDH, prédécesseur du CNDH a créé en son sein un comité de suivi, baptisé « Comité de mise en œuvre des recommandations de l’IER ». Ce Comité a récemment été restructuré et renforcé en 2020.
"En 2006, Sa Majesté le Roi avait chargé le Conseil consultatif des droits de l’Homme, actuellement le CNDH, du suivi de la mise en oeuvre des recommandations de l’IER. Nous continuons de déployer notre mission de suivi tout en nous adaptant aux évolutions observées. A titre d’exemple, en 2020, nous avons restructuré le Comité de mise en oeuvre des recommandations de l’IER, et nous avons, en 2021, mis en place une Unité de préservation de la Mémoire et de promotion de l’histoire marocaine dans ses différents affluents. Aussi, nous continuons de suivre les évolutions scientifiques dans les domaines de la médecine légale et de l’analyse génétique pour élucider les cas qui demeurent en suspens ; les dernières actions dans ce cadre ont été menées en 2023".
Amina Bouayach
Présidente du Conseil National des droits de l’Homme

Etablissement de la vérité

Eu égard à certaines difficultés objectives ayant fait obstacle à ses efforts visant à faire la lumière sur de certains cas, le Rapport final de l’IER a recommandé la poursuite des investigations à leur sujet afin d’en connaître le sort.
Le travail mené par le Comité de Suivi s’est inscrit dans cette continuité tout en veillant à développer la méthodologie et à moderniser les outils de travail en fonction des progrès enregistrés dans plusieurs domaines. Pour certains cas complexes, le comité de suivi a eu recours à une expertise scientifique dans les domaines de la médecine légale et de l’analyse génétique, et a fait appel à des laboratoires nationaux et internationaux.

Bilan en chiffres

  • 803 cas de disparitions traités et élucidés par l’IER ;
  • 385 tombes localisées avec certitude ;
  • 44 prélèvements osseux provenant de dépouilles des victimes dont le sort n’a pas été déterminé ont été effectués par une équipe de médecins légistes entre décembre 2005 et mai 2012, et confiés à un laboratoire d’analyses génétiques à l’étranger, afin de mener les examens génétiques nécessaires.
  • Sur les 44 prélèvements osseux, 35 ont donné un résultat positif ;
  • L’ADN provenant de 09 prélèvements était dans un état de dégradation, et n’a pas donné de résultat ;
  • En 2022, une équipe scientifique dirigée par le CNDH, prenant note de l’évolution scientifique concernant les prélèvements osseux dont l’ADN est dégradé, a eu une réunion avec le laboratoire afin de refaire les analyses pour les 9 cas qui demeurent en suspens. Les premiers résultats ont été reçus en juillet 2023.

La philosophie sous-jacente à l’expérience marocaine de la justice transitionnelle a mis en avant l’importance de lier étroitement la justice, la réconciliation et la réparation. Diverses mesures et
initiatives, prises préalablement à l’établissement de l’IER, ont contribué à la consolidation des fondements de cette Instance, dont la grâce accordée aux détenus politiques, la régularisation de leur situation professionnelle et administrative, ainsi que le retour des exilés et des expatriés. De plus, une indemnisation des victimes de détentions arbitraires et de disparitions forcées a été entreprise.
À noter à cet égard que l’Instance indépendante d’arbitrage, qui a précédé la création de l’IER,
a mené d’importantes actions en matière d’indemnisation des victimes des violations.

L’approche de l’IER a permis aux victimes et ayants droit de bénéficier de différentes formes de réparations (en plus de L’indemnisation financière), à savoir, entre autres, la réhabilitation médicale et psychologique, la réinsertion sociale et la régularisation de la situation administrative et financière de certaines victimes.

a) Réparation financière :
Le Nombre de victimes et d’ayants droit ayant bénéficié de l’indemnisation financière octroyée par les deux instances (IER et Instance indépendante d’arbitrage) est de 20.533 personnes, dont 8117 femmes. La somme globale des indemnisations apportées par les deux instances est de 1.334.413.327,43 DHs.

b) Réhabilitation médicale
Considérant que la réparation ne doit pas être limité à l’indemnisation financière, l’IER a recommandé l’intégration des victimes dans le système de couverture médicale.
Suite à cette recommandation, une convention au profit des victimes et leurs ayant droits a été signée le 05 juillet 2007 entre le CCDH, le Ministère de la Santé, le Ministère des finances, le Ministère de l’Emploi, de la Formation professionnelle et la Caisse Nationale des Organismes de Prévoyance Social (CNOPS) Le nombre de cartes de couverture médicale distribuées au 31 décembre 2022, est de 9021 pour un montant total de
216.138.771,00 DH.
En plus de l’intégration des victimes dans le système de couverture médicale obligatoire, le CNDH continue de fournir une assistance médicale aux cas difficiles.
Depuis la création du « comité de mise en oeuvre des recommandations de l’IER »,
505 actes médicaux ont été pris en charge par le CNDH, pour un montant total de
3.125.367,01 DH.

c) Réinsertion sociale :
En plus des indemnités financières, 1502 victimes et ayants droit ont bénéficié de la réinsertion sociale en application aux recommandations de l’IER. Ces bénéficiaires ont été sélectionnés en fonction des critères suivants :
- Les victimes ayant perdu leur emploi dans le secteur privé et qui n’ont pas pu se réinsérer socialement ;
- Les victimes n’ayant pu terminer leurs études durant leur détention ou ceux qui les ont terminées sans pour autant réussir à se réintégrer dans le monde du travail ;
- Les personnes dont l’état de santé physique et/ou psychique empêche l’exercice d’une activité normale ;
- Les enfants mineurs à l’époque de la violation subie par leurs parents.

d) Régularisation de la situation administrative et financière des
anciennes victimes :

Avant la création des de l’IER et de l’Instance d’Arbitrage Indépendante, le Gouvernement d’alternance a procédé à la régularisation de la situation administrative et financière de 1000 anciens fonctionnaires, ayant été radiés de leurs postes à cause de leurs activités politiques. De son côté, le comité de suivi a procédé à la régularisation de la situation de 510 anciens fonctionnaires.

Comme cité ci-dessus, L’IER a recommandé d’accorder, dans les réparations, une attention particulière aux droits socio-économiques, culturels et environnementaux dans les régions qui ont abrité des centres de détention secrète et les régions qui ont subi une marginalisation socio-économique.
Le CCDH a mis en place en 2007 un cadre institutionnel adéquat pour le suivi de la mise en oeuvre du programme de réparation communautaire. Ce dispositif a consisté d’abord en la création d’un Comité de pilotage, et des Coordinations dans toutes les zones concernées, qui sont regroupées dans un Conseil des coordinations. Le CCDH a également supervisé la création d’Unités de gestion chargées d’assurer le suivi technique du programme et la mobilisation de nombreux partenaires pour appuyer le programme.
23 conventions ont été signées et 149 projets ont été réalisés avec un montant de 159.799.892,00 Dirhams, dont 75% provenant d’une contribution nationale (gouvernement / CCDH / Fondation CDG / Contribution des associations locales) et 25% d’une contribution des partenaires internationaux.
Dans le cadre du suivi de la mise en oeuvre des recommandations de L’IER en matière de réparation communautaire, le Comité de suivi des recommandations de l’IER a procédé à la mise en place d’un cadre institutionnel adéquat, composé de différents partenaires gouvernementaux et non gouvernementaux et a mis en oeuvre le Programme d’accompagnement aux recommandations de l’IER en matière d’archives, d’histoire et de mémoire (Programme IER2).

  • L’Instance n’est pas habilitée à prendre position concernant les points de vue politiques formulés lors du débat public sur la Constitution. Etant donné cependant que la Constitution confère à Sa Majesté le Roi et au parlement le pouvoir d’initiative de révision, l’Instance propose, dans le cadre de sa réflexion sur des questions touchant au fond du dispositif constitutionnel de prendre en considération, quand ce sera possible, ce qui suit :
  • La consolidation du respect des droits de l’Homme et l’amélioration de la gouvernance sécuritaire, notamment en cas de crise ;
  • La consolidation du fondement constitutionnel des droits de l’Homme tels qu’universellement reconnus, à travers une consécration claire du principe de la primauté des conventions et des accords internationaux, et de manière plus générale, des normes du droit international des droits de l’Homme et du droit humanitaire, sur les lois nationales ;
  • La consécration explicite, par la Constitution, du contenu des libertés et des droits fondamentaux qu’elle stipule, comme les libertés de déplacement, d’expression, de manifestation, d’organisation syndicale et politique, de rassemblement public, du droit de grève, du droit à l’inviolabilité du courrier et du domicile, au respect de la vie privée ; la nécessité également de prémunir ces droits et libertés contre les fluctuations de l’action législative, organisationnelle et administrative habituelle, en faisant relever ce domaine de la compétence de la loi et en obligeant le législateur lui-même, à chaque fois qu’il intervient pour en organiser l’exercice, à imposer, en plus des garanties existantes, d’autres garanties préventives, tout en assurant aux citoyens qui s’estiment lésés dans leur liberté ou leur droit des voies de recours ;
  • Renforcer les garanties constitutionnelles de l’égalité entre les deux sexes, en affirmant cette égalité sur le plan des droits politiques, économiques, sociaux et culturels ;
  • Renforcer le contrôle de la constitutionnalité des lois et des actes réglementaires autonomes du pouvoir exécutif, consacrer dans la constitution le droit d’invoquer devant les juridictions l’exception de non constitutionnalité de la loi, assorti de la saisine du Conseil constitutionnel pour trancher de la question, tout en conditionnant ce droit de manière à éviter les abus, garantir le droit de la minorité parlementaire à saisir le Conseil constitutionnel de lois votées par le parlement qu’elle considère comme non constitutionnelles ;
  • Incriminer les pratiques de la disparition forcée, de la détention arbitraire, du génocide, ainsi que des crimes contre l’humanité, de la torture et de toute sorte de peines cruelles et de traitements inhumains et dégradants ;
  • Prohiber toutes les formes internationalement condamnées de discrimination, et d’incitation au racisme, à la xénophobie, à la violence et à la haine ;
  • Consacrer constitutionnellement le principe de présomption d’innocence en faveur de tout accusé non encore reconnu coupable, et garantir le droit de chaque accusé à un procès équitable ;
  • Consolider le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs, notamment en ce qui concerne l’indépendance de la justice et le statut de la magistrature, en interdisant expressément toute intervention du pouvoir exécutif dans la justice et dans le fonctionnement du pouvoir judiciaire ;
  • Consolider les garanties constitutionnelles de l’indépendance du Conseil supérieur de la Magistrature, faire dépendre son statut d’une loi organique qui en revoit la composition et la fonction de manière à assurer en son sein la représentation de parties externes au corps judiciaire, tout en garantissant son autonomie humaine et financière, et en le dotant de larges compétences dans le domaine de l’organisation de la profession, de sa régulation déontologique, de l’évaluation et de la sanction disciplinaire des magistrats, et habiliter le Conseil à présenter des rapports annuels sur le fonctionnement de la justice ;
  • Promouvoir la bonne gouvernance sécuritaire dans le sens du renforcement de la sécurité et de la préservation de l’ordre public, en temps ordinaire comme en temps de crise ;
  • Préciser et renforcer les pouvoirs du parlement dans la conduite des enquêtes et des investigations en matière de respect des droits de l’Homme, lui permettant de se saisir des faits de nature à établir des violations graves, tout en le contraignant à constituer des commissions d’investigation dotées de larges compétences pour enquêter sur tous les cas où il paraît que les droits de l’Homme ont été violés ou sont menacés de l’être de façon manifeste, et en accordant à la minorité parlementaire le même droit de constituer des commissions d’investigation ;
  • Poser le principe de la responsabilité du gouvernement en matière de protection des droits de l’Homme, de maintien de la sécurité, de l’ordre public et du fonctionnement de l’administration publique ;
  • La constitution d’une commission de haut niveau, composée d’experts dans les domaines juridiques, du droit constitutionnel et des droits de l’Homme, chargée d’examiner les conditions et les effets de toute proposition en matière constitutionnelle et de présenter les propositions adéquates visant à l’harmonisation des lois nationales avec les conventions internationales ratifiées par le Maroc dans le domaine des droits de l’Homme.

  • Ratifier le deuxième Protocole, relatif à l’abrogation de la peine de mort, se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
  • Ratifier le protocole facultatif se rapportant à la Convention internationale relative à l’élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes, et lever les réserves émises par le Maroc au sujet de certaines dispositions de ladite Convention ;
  • Ratifier le statut de la Cour pénale internationale, suite à la signature de ce statut par la Maroc, tout en examinant les contraintes qui en découlent.

  • Préciser les procédures et les mécanismes judiciaires a priori et a posteriori susceptibles de garantir l’équilibre entre, d’une part la nécessité d’élargir l’étendue des libertés et de préserver la dignité et la vie privée des individus, et d’autre part les exigences de la lutte contre le terrorisme, la haine, la violence et la discrimination ;
  • Renforcer le contrôle judiciaire postérieur aux jugements ;
  • Préciser les moyens de renforcer, d’habiliter et de promouvoir l’organisation autonome des institutions professionnelles, notamment concernant l’éthique, la déontologie et le règlement des conflits internes.

3.2. Les violations graves des droits de l’Homme
Harmoniser la législation pénale nationale avec les engagements contractés par notre pays en matière de normes internationales, en matière des crimes de disparition forcée et de détention arbitraire, en faisant notamment :
Intégrer dans le Code pénal marocain les définitions et les éléments constitutifs de ces actes qualifiés par la loi internationale comme des crimes ;
Intégrer les principes de responsabilité et de sanction, ainsi que les peines, tels qu’ils sont internationalement définis ;
Appliquer les plus lourdes peines aux auteurs et complices de ces crimes, quels que soient leur grade, leur situation et leur fonction, et quel que soit le rapport qu’ils ont eu avec la restriction de liberté et l’application de la loi, à tous ceux qui agissent sous leurs ordres ou qui fournissent, en vertu de leur fonction, aide ou expertise, ainsi qu’à tous ceux qui taisent ou s’abstiennent de fournir des informations concernant les crimes de la disparition forcée, de détention arbitraire et de torture ;
Faire obligation aux agents publics, agents d’autorité et tous les agents agissant sous les ordres de leurs supérieurs, de porter à la connaissance toute information se rapportant à un crime ou à une tentative de crime, quelle que soit la qualité de l’autorité qui a donné l’ordre ;
Instaurer des procédures spéciales visant à la protection des victimes des violations graves des droits de l’Homme, et éventuellement leurs ayants droit, concernant les auditions durant les enquêtes, le droit de se constituer partie civile auprès de la juridiction compétente, la réhabilitation et la réparation des préjudices ;
L’Instance note avec un grand intérêt l’initiative du gouvernement visant à l’élaboration d’un projet de loi incriminant la torture, en application d’une recommandation du CCDH, ainsi que le renforcement et l’approbation de ce projet de loi par le parlement dans la perspective de sa publication officielle.

Sur la base des résultats des enquêtes qu’elle a menées, l’Instance Equité et Réconciliation appelle à l’élaboration d’une stratégie nationale globale, intégrée et multipartite de lutte contre l’impunité ; une stratégie adossée à des dispositions législatives protectrices conformes aux standards internationaux et aux exigences de la consolidation et de la sauvegarde du processus de démocratisation en cours dans le pays, dans le cadre d’une action à laquelle prennent part tous les partenaires juridiques, judiciaires, civils, éducatifs et sociaux et ce par le biais de programmes visant à la lutte, la prévention, la sensibilisation, l’instruction et la formation, ainsi qu’à la garantie de dispositions répressives efficaces et d’un contrôle transparent et équitable, afin de rompre définitivement avec l’impunité.

  •  La mise en œuvre des résultats du dialogue national à l’occasion du Colloque sur la politique pénale, organisé à Meknès les 9, 10 et 11 décembre 2004, considérant que les conclusions et les recommandations issues de ce colloque constituent une bonne plateforme pour l’élaboration de réformes de la politique pénale dans notre pays, notamment en ce qui concerne la détention, les peines privatives de liberté et leurs substituts possibles, les substituts de l’action publique, les garanties de protection et d’aide des victimes, de protection des catégories les plus fragiles, ainsi que les mécanismes de la justice pénale ;
  • Le renforcement de la dernière mouture du Code de Procédure pénale révisé par des dispositions supplémentaires ou complémentaires visant à consécration de la protection des droits de l’Homme à l’orientation vers une justice d’instruction au lieu de la justice d’accusation, et à remédier aux lacunes et irrégularités issues de la pratique, et qui ont entravé l’action des professionnels ;
  • Renforcer la dernière mouture du Code pénal révisé par l’intégration d’une définition claire et précise de la violence contre les femmes conforme aux normes internationales en vigueur dans ce domaine, durcir les peines qui sanctionnent toutes les formes de violences contre les femmes, y compris les viols commis par les agents des appareils chargés de l’application des lois, étendre le champ d’application de l’incrimination pour harcèlement sexuel de manière à englober tous les espaces (au lieu d’être limité au seul lieu du travail, comme il est stipulé par les derniers amendements), et à prendre en compte de l’obligation de mettre les femmes se trouvant en garde à vue sous la responsabilité de femmes.

  • En plus de ce qui a été dit concernant le renforcement constitutionnel du pouvoir judiciaire :
  • Séparer la fonction du ministre de la Justice de celle du Conseil supérieur de la magistrature ;
  • Domicilier le Conseil supérieur de la magistrature au siège de la Cour suprême à Rabat ;
  • Poursuivre l’accélération de la réforme de la justice et de l’élévation de son niveau ;
  • Poursuivre la modernisation des tribunaux ;
  • Veiller à la motivation, à la formation fondamentale et continue, et à l’évaluation des prestations des magistrats et des auxiliaires judiciaires ;
  • Poursuivre les projets visant à réorganiser les différentes professions judiciaires, et à les pourvoir d’autonomie quant à leur gestion et à leur régulation juridique, déontologique et éthique ;
  • Revoir l’organisation et les compétences du ministère de la Justice, de manière à empêcher toute intervention ou influence de l’appareil administratif sur le cours de la justice et le déroulement des procès ;
  • Incriminer toute intervention de l’autorité administrative sur le cours de la justice ;
  • Durcir les peines sanctionnant toute atteinte à l’intégrité et à l’indépendance de la magistrature.

  • La mise en œuvre des recommandations émanant du CCDH, et citées dans son rapport publié en 2004 sur la situation dans les établissements pénitentiaires, afin de remédier à la situation dans ces établissements ; il s’agit de l’élargissement des compétences du juge d’application des peines, de l’application du système de libération conditionnelle et du contrôle judiciaire, de l’élaboration de dispositions organisant le droit de grâce du point de vue de la procédure et des critères le conditionnant ;
  • Le compte rendu au CCDH par le ministère de la Justice de l’état d’avancement de cette mise en œuvre, des difficultés qui ont pu l’entraver, et des causes qui sont à l’origine de ces difficultés ;
  • Créer un conseil administratif restreint, composé de juges, d’éducateurs et d’experts dans le domaine, chargé de donner son avis sur la gestion financière, organisationnelle et sécuritaire et sur la gestion des ressources humaines, ainsi que sur le choix et la nomination des directeurs de prison et sur l’évaluation du fonctionnement des établissements.

8.1. La responsabilité gouvernementale dans le domaine de la sécurité

  • Mettre en œuvre la règle selon laquelle «le gouvernement est solidairement responsable» des opérations sécuritaires, du maintien de l’ordre public et de la protection de la démocratie et des droits de l’Homme, et obliger le gouvernement à informer le public et le parlement de tout événement qui a nécessité l’intervention de la force publique, en précisant le déroulement des faits, la nature et les conséquences de l’opération sécuritaire, ainsi que les responsabilités qui en découlent et les mesures à prendre éventuellement pour remédier à la situation.

8.2. Le contrôle et l’investigation parlementaires dans le domaine de la sécurité

  • La mise en œuvre, par les partis politiques de leur responsabilité politique et législative concernant la protection des droits de l’Homme et des libertés fondamentales des citoyens, à chaque fois qu’il s’agit d’allégations de violations graves des droits de l’Homme ou d’actes graves portant atteinte aux valeurs de la société et à son choix démocratique ;
  • Renforcer l’action des commissions parlementaires d’investigation en les dotant de compétences en matière sécuritaire et juridique, afin de les aider à élaborer des rapports objectifs et significatifs, loin de toute considération politique ;
  • Renforcer les mécanismes de questionnement et d’audition parlementaires directs en matière de responsabilité du maintien de la sécurité et de l’ordre public ;
  • Elargir la pratique parlementaire de questionnement et d’audition afin qu’elle englobe, en plus des ministres chargés de la Sécurité et de la Justice, tous les responsables directs des appareils sécuritaires et des opérations de répression sur les plans national, provincial et local.

8.3. La situation et l’organisation des services de sécurité

  • Préciser et publier le cadre juridique et les textes y afférents relatifs aux compétences et à l’organisation du processus de prise de décision sécuritaire, les modes d’intervention au cours des opérations, les systèmes de contrôle et d’évaluation de l’action des services de renseignements, ainsi que celle des autorités administratives chargées du maintien de l’ordre public ou celles disposant du pouvoir d’utiliser la force publique.

8.4. Le contrôle, au niveau national, des politiques et des pratiques en vigueur dans le domaine de la sécurité

  • Procéder à la classification des différents états de crise sécuritaire, et établir les conditions et les techniques d’intervention appropriés à chaque cas, ainsi que les mécanismes de contrôle et de rédaction de rapports sur les interventions sécuritaires ;
  • Rendre immédiat et transparent le contrôle politique des opérations de sécurité et de maintien de l’ordre public, en publiant des rapports sur les opérations sécuritaires, les dégâts conséquents aux interventions, les causes qui sont à l’origine des faits ainsi que les dispositions prises pour remédier à la situation.

8.5. Le contrôle, au niveau provincial et local, des opérations de sécurité et de maintien de l’ordre

  • Mettre les opérations sécuritaires et les interventions de la force publique, actuellement subordonnées aux autorités provinciales et locales, sous le contrôle immédiat de commissions locales ou provinciales multidisciplinaires de contrôle et de suivi ;
  • Publier, après chaque opération, un rapport détaillé sur les faits, les opérations menées, le bilan et les causes de tout excès ou abus éventuel.

8.6. Les normes et les limites de l’usage de la force

  • Astreindre tout service ou agent d’autorité ou de sécurité à conserver tous les éléments documentant la décision d’intervention ou de l’usage de la force publique, ainsi que tous les rapports, avis et correspondances les concernant ;
  • Rendre nuls et sans effet les ordres et instructions donnés oralement, sauf en cas de danger imminent, et à condition que les ordres oraux donnés dans ce cas soient suivis d’ordres écrits et signés les confirmant ;
  • Instaurer des sanctions administratives et pénales sévères contre toute personne coupable de taire les dégâts humains ou matériels, ou coupable d’usage abusif de la force publique, ou qui a falsifié ou détruit ou dissimulé des documents ou informations relatives aux abus éventuellement commis.
  • 8.7. La formation continue des agents d’autorité et de sécurité dans le domaine des droits de l’Homme
  • Elaborer des programmes de formation et de formation continue dans le domaine des droits de l’Homme et de la culture de la citoyenneté et de l’égalité, au profit des responsables, des agents de sécurité et des personnes chargées du maintien de l’ordre public, en s’appuyant sur les standards internationaux et sur la législation nationale relatifs aux droits de l’Homme ;
  • Elaborer et publier continuellement des guides et supports didactiques visant à sensibiliser les différents responsables et agents de sécurité aux règles de la bonne gouvernance sécuritaire, et du respect des droits de l’Homme.

  • L’IER appelle à l’élaboration d’un plan national global et à long terme à ce sujet, à partir des consultations nationales en cours à propos de l’initiative du CCDH d’un plan national pour l’éducation aux droits de l’Homme et leur promotion. Dans ce cadre, l’Instance considère comme étant des priorités dans le domaine de la promotion des droits de l’Homme les actions suivantes :
  • Intégrer la lutte contre l’analphabétisme, ainsi que l’éducation informelle, au sein du programme national pour l’éducation aux droits de l’Homme ;
  • Généraliser l’expérience des Clubs de la citoyenneté aux établissements scolaires, soutenir ces expériences et assurer la coordination entre elles ;
  • Faire des principes des droits de l’Homme un cadre de référence pour l’élaboration des manuels scolaires ;
  • Intégrer l’approche genre aux différents niveaux du cursus pédagogique et éducatif, y compris l’élaboration des manuels scolaires ;
  • Promouvoir efficacement les unités de recherche et de formation dans les domaines des droits de l’Homme au sein des universités, des chaires de l’UNESCO et des groupes de recherche, et généraliser ces expériences à toutes les universités marocaines ;
  • Inscrire la formation et la formation continue, ainsi que les programmes de sensibilisation aux droits de l’Homme, dans le cadre d’un plan d’action visant à permettre aux principes des droits de l’Homme, et à l’éducation à ces principes, de pénétrer les différents programmes et politiques des secteurs concernés par la promotion des droits de l’Homme ;
  • Développer les capacités institutionnelles des organisations non gouvernementales œuvrant dans le domaine des droits de l’Homme et le professionnalisme de leurs cadres, les considérer comme des partenaires incontournables dans l’élaboration de toute politique et de tout plan d’action visant à la promotion des droits de l’Homme ou à l’éducation à ces droits, et s’efforcer d’assurer la continuité et l’efficacité de ce partenariat ;
  • Enraciner la culture des droits de l’Homme dans la culture nationale dans toutes ses composantes, à travers la conduite de recherches, l’organisation de colloques et de séminaires, et la publication de périodiques culturels ;
  • Rénover la pensée religieuse, réformer l’enseignement religieux, et faire des médias audiovisuels, des lettres et des arts autant d’instruments de diffusion de la culture des droits de l’Homme.

  • Conserver toutes les archives nationales et les organiser en assurant la coordination entre les différentes sphères concernées ; adopter une loi qui établit les conditions de leur conservation, les délais de leur ouverture au public, les conditions de leur consultation, ainsi que les peines sanctionnant leur destruction ;
  • Procéder à une révision progressive des cursus de formation en histoire de notre pays ;
  • Charger l’Institut dont la création fait l’objet d’une recommandation, en plus des tâches qui lui sont confiées, de la documentation, de la recherche et de la publication relatives aux événements historiques liés au passé des violations graves des droits de l’Homme au développement des questions des droits de l’Homme et à la réforme démocratique.

  • Renforcer les compétences du Conseil et lui reconnaître un droit d’intervention, de sa propre initiative ou sur demande, dans le domaine de l’investigation au sujet des violations des droits de l’Homme ;

  • Observer le déroulement des procès ;

  • Rehausser le degré de coopération des autorités publiques avec le Conseil, lui permettre d’avoir accès aux documents et informations en rapport avec les Droits de l’Homme, et le tenir informé des mesures d’amendement éventuelles prises à ce propos.

Préservation de la mémoire

La préservation de la mémoire a été mise au centre de l’expérience de la justice transitionnelle au Maroc, tant dans les travaux de l’Instance Equité et Réconciliation que dans l’action du CCDH puis du CNDH en matière de mise en oeuvre des recommandations de la l’IER.
Dans ce cadre, seize projets ont été réalisés par les différentes associations moyennant une enveloppe budgétaire de 8.611.812,56 DHS.
Le CNDH continue d’implémenter les recommandations de préservation de lamémoire en partenariat avec le gouvernement les ONG, à travers la réhabilitation et l’aménagement des lieux de sépulture et la construction de stèles commémoratives :

  • Stèle commémorative des victimes de Skhirat au cimetière Laalou à Rabat ;

  • Stèle commémorative et enterrement des victimes de l’ancien bagne d’Agdez dans un cimetière qui leur est dédié ;

  • Stèle commémorative et aménagement du cimetière de l’ancien bagne de Kelaat M’Gouna, et enterrement des victimes dans ce cimetière dédié.

  • Stèle commémorative et aménagement des tombes des victimes des événements de janvier 1984 à Nador ;

  • Aménagement de la stèle commémorative des victimes du 20 juin 1981 à Casablanca et d’un cimetière dédié, dont le projet de restauration est en cours. La station de transport public devant le cimetière se nomme Station Chouhada (stations des martyres) .

  • Aménagement de l’ancien bagne de Tazmammart, cimetière et centre socioculturel en faveur du village, pour le transformer, en concertation avec les ONG, en espace de mutualisation des initiatives de développement et des activités économiques sociales et environnementales.

  • Réalisation d’un musée de préservation de la mémoire à Al Hoceima.

Mis en place de « l’unité de préservation de la mémoire, de promotion de l’histoire marocaine dans tous ses affluents »

L’Instance a mis en place une nouvelle approche pour la préservation de la mémoire, qui vise la transformation des anciens centres irréguliers de détention en projets socioculturels et productifs à même de préserver la mémoire tout en contribuant à la réhabilitation économique des régions concernées.
Dans ce cadre, des rencontres et des consultations ont été organisées avec des victimes, des acteurs locaux dont des élus, des associations, des partis politiques et des autorités locales des régions concernées par l’existence de ces centres, en plus de personnes et groupes vivant dans les régions.

La préservation de la mémoire a également été mise au centre de l’action du CCDH puis du CNDH en matière de mise en oeuvre des recommandations de la l’IER. L’approche du CNDH dans ce cadre est d’une nature participative et s’appuie notamment sur l’implication effective des ONG et sur la participation citoyenne.

Il sied également de préciser dans ce sens que le CNDH a mis en place une unité de préservation de la mémoire, de promotion de l’histoire marocaine dans tous ses affluents, et de renforcement de l’implémentation de l’histoire dans les cursus et programmes scolaires.
La mise en place de l’Unité intervient dans le cadre de la poursuite du traitement des problématiques d’ordre politique et historique et celles liées aux droits de l’Homme, ainsi que dans le contexte de la mise en oeuvre des recommandations de l’IER préconisant une relecture des événements afin d’en tirer les enseignements. La mise en place vise à engager les initiatives nécessaires et interagir avec les divers récits personnels autour des événements historiques liés aux violations passées, à procéder à des recherches et des débats à leur sujet, à réhabiliter les centres de mémoire, à créer des musées et préserver les archives.
En somme, l’impact de l’IER s’est étendu au-delà du rapport lui-même. Ses recommandations ont servi de base à des réformes institutionnelles et juridiques visant à prévenir de futures violations. Dans ce cadre, l’année 2011 demeure gravée dans l’histoire du Maroc comme une période de transformation et d’évolution substantielles. L’adoption d’une nouvelle Constitution qui a apporté des garanties sur les droits fondamentaux, dès son préambule et tout au long de ses articles, -60 articles sur 180-, a marqué un tournant en érigeant les droits de l’Homme en tant que question transversale et prioritaire dans les politiques publiques et le système politique marocain.
Conformément aux recommandations de l’IER , cette Constitution souligne l’attachement du Maroc aux droits de l’Homme tels qu’ils sont universellement reconnus, ainsi que sa volonté de continuer à oeuvrer pour préserver la paix et la sécurité dans le monde. Et d’ajouter la primauté des conventions internationales dûment ratifiées.
La Constitution de 2011 a notamment introduit des mesures significatives qui ont, entre autres, renforcé la séparation des pouvoirs et la protection des droits de l’Homme. La création du Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH) en tant qu’institution constitutionnelle indépendante investie d’un mandat de protection et de promotion des droits de l’Homme, contribue à la consolidation des avancées et à la garantie de leur pérennité.
La Constitution de 2011 a permis, de manière substantielle, de remodeler l’équilibre des pouvoirs au sein de l’État, en renforçant la reddition de comptes et en consolidant le rôle des partis politiques et la société civile dans le processus démocratique.
L’adoption de cette Constitution, conjuguée au renforcement des droits de l’Homme au niveau institutionnel, en particulier avec la promotion du nouveau concept de l’autorité, l’inclusion d’une approche participative des droits de l’Homme et de la démocratie dans les politiques publiques nationales, sont venus renforcer les fondements de l’Etat de droit et la démocratie au Maroc.
D’autres initiatives et développements sont à noter à cet égard, à l’instar de l’adoption du Plan d’Action National en matière de Démocratie et des Droits de l’Homme au Maroc (PANDDH) et la mise en place d’une plateforme des ONG pour renforcer la participation citoyenne, pour n’en citer que ces deux exemples. Le PANDDH, qui a constitué la première expérience du genre dans la région de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, a intégré à la fois la dimension démocratie et droits de l’Homme et a répondu à la nécessité de disposer d’un cadre cohérent permettant d’inscrire et de coordonner l’ensemble des actions qui visent la diffusion, la promotion, la protection et le renforcement du respect des droits humains au Maroc.

Réalisations du comité de suivi :

 

L'IER a formulé plusieurs recommandations, dont celles liées à la mémoire et l’Histoire. L'Instance a notamment recommandé de réhabiliter les centres de la disparition forcée et de la détention arbitraire, et des cimetières ou sont enterrés les anciennes victimes. Elle a également recommandé l’adoption d’une loi moderne sur les archives, la création d’un musée de l’histoire de l’émigration marocaine et la création d’un institut de recherches sur l’histoire du Maroc indépendant.
Les supports ci-dessous, présentent une partie des réalisations du comité de suivi :