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La Présidente du Conseil national des droits de l’Homme, Madame Amina Bouayach a tenu, mercredi 1er octobre 2025, une réunion rassemblant les présidentes et présidents des Commissions régionales des droits de l’Homme (CRDH), des directeurs, et des chargés de missions auprès de la Présidence, afin d’examiner les modalités de renforcement du monitoring, du suivi, et des interventions du Conseil, notamment au regard des récents développements liés aux protestations de jeunes dans plusieurs villes du Royaume.


Le CNDH avait mis en place, dès le lancement des appels à protestation, des équipes chargées du monitoring, du suivi de terrain et d’intervention en matière protection des droits, qui ont procédé, entre autres, à des interactions directes sur le terrain avec les autorités locales ainsi qu’avec les jeunes sur les lieux de protestation. Ces équipes ont été déployées au niveau régional à travers les Commissions Régionales dans les douze régions du Royaume ; au niveau national ; ainsi qu’au niveau de l’espace numérique

 

Considérant que l’espace numérique constitue aujourd’hui un véritable dépositaire des libertés, où se cristallisent de nouvelles valeurs structurant l’engagement des jeunes, leurs participations et leurs expressions pacifiques autour de revendications fondamentales et légitimes en matière de droits de l’Homme, le CNDH relève ce qui suit :

  • Les protestations des jeunes se sont déclenchées suite aux appels à manifestation, et se sont inscrites dans un premier temps dans le cadre de rassemblements pacifiques. Certaines d’entre elles, par la suite, ont été marqué par des actes de violence, incluant certaines formes d’interventions inappropriées ou inadéquates, et des actes de violence plus graves, parmi lesquels des dérapages se traduisant par des jets de pierres, des actes de vol, d’incendies de véhicules et de destruction de biens publics et privés (…);
  • La nécessité de garantir le droit de rassemblement pacifique, étant l’un des acquis fondamentaux du processus démocratique et des droits de l’Homme dans le pays, impliquant notamment une responsabilité partagée entre les organisateurs et initiateurs des protestations, et les autorités publiques, pour maintenir l’ordre public tout en garantissant l’exercice effectif du droit à la liberté d’expression et du droit de rassemblement pacifique ;
  • Veiller à l’application d’une interprétation fondée sur les droits de l’Homme du droit de rassemblement pacifique, indépendamment des formalités de déclaration ou de notification préalable, en veillant à l’associer à la garantie du caractère pacifique des rassemblements et des manifestations, tout en tenant compte des spécificités des nouvelles formes d’expression numérique émergentes dans ce cadre ;
  • La nécessite de protéger les citoyennes et citoyens et garantir leur droit de rassemblement pacifique, tout en renforçant la protection contre toutes formes de violence susceptibles de porter atteinte à l’intégrité physique, tant des manifestants que des membres des forces de l’ordre.
     

Dans le cadre de son suivi de l’espace numérique, le CNDH a relevé de nombreuses publications sur la plateforme « Discord » et d’autres réseaux, qui contiennent de fausses informations, et des publications qui contiennent des appels explicites et dangereux à la violence, à incendier des institutions et des bâtiments gouvernementaux, à cibler des résidences de responsables, ou encore à des menaces de liquidations physiques. Le CNDH a également constaté des atteintes directes à la dignité de de citoyen.es, en particulier des femmes, ne souhaitant pas participer aux protestations, ou qui, dans leurs commentaires et publications, plaidaient pour le rejet de la violence et au respect du caractère pacifique des rassemblements (ces atteintes ont un point commun : ils provenaient de comptes nouvellement créés, fermés ou inactifs, sans abonnements ni publications, et des comptes dont l’examen attentif des données et publications révèle souvent une origine étrangère, qui a parfois été repérée et condamnée dans les conversations..
 

Sur la base des échanges et de l’examen des conclusions préliminaires des rapports de monitoring, d’observation et d’intervention, le CNDH rappelle les principes fondamentaux suivants en matière de droits de l’Homme :

  • Le droit à la liberté d’expression est un droit universel et constitutionnel, constituant une base essentielle pour la pleine jouissance d’un ensemble de droits, sans porter atteinte aux droits et à la réputation d’autrui, ni à la sécurité nationale, à l’ordre public, à la santé publique ou aux bonnes mœurs ;
  • Le droit de rassemblement pacifique, incluant les manifestations, protestations et les sit-in (…), est un droit universel garanti par la Constitution marocaine. Associé à d’autres droits connexes, il forme le socle même des systèmes de participation fondés sur la démocratie, les droits de l’homme, l’état de droit et le pluralisme ;
  • Un rassemblement pacifique, tel que consacré par le système international des droits de l’Homme, est à l’opposé « d’une réunion caractérisée par des violences graves et généralisées ». Il en découle que « le droit de réunion pacifique ne saurait être exercé en faisant usage de la violence ».
     

Le CNDH a poursuivi, la soirée du mercredi 1er octobre, son monitoring national, régional et numérique, relevant des protestations pacifiques dans plusieurs villes, dont certaines se sont caractérisées par la présence d’un grand nombre de mineurs, notamment à Salé, Errachidia, Dakhla, Taroudant, Lqliâa, Guelmim, et Rabat. Certaines de ces manifestations ont été entachées par des actes de violence graves.


Le CNDH exprime son profond regret à la suite du décès de trois personnes lors des protestations survenues à Lqliâa, dans la préfecture d’Inzegane, ainsi que les blessures enregistrées tant parmi les protestataires que dans les rangs des forces de l’ordre tout au long des protestations. A cet égard, le CNDH :

  • Note la publication d’un communiqué adressé à l’opinion publique concernant les circonstances entourant la mort de deux victimes par balles, avant que le nombre n’atteigne trois ;
  • Salue la libération d’un nombre important de protestataires ;
  • Condamne la tentative de prise d’assaut et d’incendie du poste de la Gendarmerie Royale à Lqliâa, sachant que des familles résident au premier étage de ce bâtiment;
  • Insiste sur la nécessité d’ouvrir des enquêtes sur tous les cas ayant enregistré des atteintes à la vie ou à l’intégrité physique, et réitère, tout en suivant les développements regrettables, que l’Institution nationale des droits de l’Homme poursuivra son monitoring, suivi et interventions sur le terrain, ainsi que l’observation des procès.
     

Tout en adressant ses condoléances aux familles des trois personnes décédées, le CNDH et ses commissions régionales demeurent ouverts à toutes les formes d’expression et de dialogue visant à garantir l’effectivité des droits et libertés pour l’ensemble des citoyennes et citoyens.