Introduction : La publication du rapport annuel du Conseil consultatif des droits de l’Homme constitue un événement majeur et important, tant pour le Conseil lui-même que pour le gouvernement et les différents acteurs oeuvrant dans le domaine des droits de l’Homme, sur les plans national et international.
Ceci pour plusieurs considérations, dont la première est de donner l’opportunité à ceux qui s’intéressent aux droits de l’Homme de prendre connaissance des progrès réalisés par le Maroc dans ce domaine. En deuxième lieu, parce que les rapports du CCDH, du fait de leur publication annuelle, sont une source documentaire qui permet aux chercheurs spécialisés de faire une lecture quantitative et qualitative de l’évolution des droits de l’Homme au Maroc, et fournit des indicateurs concrets sur le processus d’évolution de l’Etat de droit. En troisième lieu, parce que ces rapports, qui se veulent objectifs, présentent les progrès réalisés, tout en faisant le constat des violations et des dépassements survenus durant l’année objet du rapport. En outre, le rapport annuel permet de suivre certains évènements ou les grandes affaires dans ce domaine et fournit l’opportunité d’évaluer l’action des différents organismes intervenus dans leur traitement, tout en présentant des recommandations permettant la protection et la promotion des droits de l’Homme. Certes, si les rapports annuels des Institutions nationales des droits de l’Homme constituent un engagement moral international, conformément aux principes de Paris, les dispositions du dahir portant réorganisation du CCDH et celles de son règlement intérieur relatives à la méthodologie d’élaboration des rapports ont fait de la publication de ces rapports une responsabilité nationale dévolue au CCDH. Aussi, le Conseil, conscient de l’importance de cette responsabilité et de la nécessité de l’assumer pleinement, oeuvrera-t-il à perfectionner la rédaction des rapports, en quête d’une valeur ajoutée aux rapports qu’il publie, afin d’en faire un instrument destiné à attirer l’attention du gouvernement et des autres parties prenantes sur l’état des droits de l’Homme et d’avancer des propositions à même d’assurer leur promotion. La pluralité des thèmes abordés dans les rapports du CCDH, ainsi que le nombre et la diversité des approches ne permettent pas, uniquement de faire le point sur les progrès réalisés par le Conseil en matière d’élaboration des rapports qu’il publie, mais fournissent également la possibilité de se rendre compte, de près, de la nature des difficultés qui entravent l’évolution des droits de l’Homme au Maroc. Dans ce contexte, le CCDH publie son sixième rapport annuel, au titre de l’année 2008, sur l’état des droits de l’Homme et le bilan de son action, conformément à l’article 2 du dahir du 10 avril 2001 portant réorganisation du CCDH et, en référence aux dispositions du chapitre VI du règlement intérieur, notamment les articles de 46 à 52. Ce rapport comporte deux parties : la première traite de l’état des droits de l’Homme et la seconde porte sur les activités du Conseil et les perspectives de son action. Dans le cadre de son examen de l’état des droits de l’Homme durant l’année 2008, le rapport s’attarde sur deux affaires saillantes que le Conseil considère comme particulièrement significatives sous l’angle des droits de l’Homme et eu égard aux développements qu’elles ont connus et aux préoccupations qu’elles ont suscitées. Il s’agit de l’état de l’exercice de la liberté d’expression et d’information, ainsi que celui de la pratique protestataire en relation avec les libertés publiques. ● La liberté de presse est liée à la liberté d’opinion et d’expression, consacrée par les chartes et conventions internationales ainsi que par la Constitution. Elle est organisée en vertu des dispositions du Code de la presse et des modifications successives qui lui ont été apportées. De plus, la pratique journalistique et médiatique a connu des évolutions positives dans le cadre du principe de la liberté et du pluralisme, outre le fait qu’elle profite continuellement des progrès intervenus dans les moyens de communication et d’information. Les médias ayant, par ailleurs, renforcé leur intérêt pour la chose publique, l’accompagnement des chantiers de réforme et le suivi des évènements. Parallèlement, leurs revendications en direction des responsables des affaires publiques ont été accentuées en vue de permettre l’accès à l’information, et de révéler les dysfonctionnements éventuels et leur diffusion par tout moyen médiatique. Et ce, au nom du droit à l’exercice de la liberté de la presse, d’une part, et celui de consacrer le droit du citoyen d’être informé et de faire connaître les affaires qui le concernent à tous points de vue, d’autre part. Cependant, ces progrès dans la pratique journalistique en particulier et médiatique en général n’ont pas été, parfois, exempts de heurts avec ceux qui veillent aux affaires publiques, que ce soit dans le cadre de la presse traditionnelle ou celui de la presse électronique ou encore des médias audiovisuels. Ce qui s’est traduit par des poursuites, des arrestations et des condamnations à des peines d’emprisonnement ferme, des amendes et des dommages et intérêts élevés, avec toutes les réactions qui s’en sont suivies de la part de journalistes et d’organisations de la société civile ainsi qu’un discours sur la régression de la liberté de la presse. Pour ces raisons, le CCDH a considéré comme pertinent, dans le cadre du dialogue engagé depuis un certain temps en vue de réformer le système médiatique, de focaliser l’attention sur la problématique du nécessaire équilibre entre d’une part, la liberté de la presse en particulier et des médias en général, et d’autre part sur les intérêts fondamentaux de l’Etat et les droits et libertés des individus. Ceci, en vue de tirer profit des atouts de la liberté de la presse et d’éviter, autant que faire se peut, les déviances dans son exercice. ● Si la pratique protestataire est liée à la liberté de rassemblement, laquelle est elle-même liée à la liberté d’opinion et d’expression, il est à observer à travers le suivi de son évolution, qu’elle est de plus en plus répandue dans le temps et dans l’espace, et qu’elle a gagné en étendue et en intensité quant à ses méthodes; ce qui a entraîné parfois des confrontations avec les autorités publiques en charge de la préservation de la sécurité publique. Ce fut le cas lors des évènements de la ville de Sefrou en 2007 et, de façon plus grave, lors de ceux de la ville de Sidi Ifni, le 7 juin 2008. Ces évènements ont donné lieu à des arrestations, des poursuites et des procès, dont certains sont toujours en cours. Bien plus, la couverture médiatique de ces derniers évènements a donné lieu, à son tour, à des poursuites à l’encontre du directeur du bureau de la chaîne Al Jazeera, pour avoir diffusé une information mensongère prétendant que lesdits évènements avaient provoqué des décès. Ainsi, la culture de la protestation est désormais ancrée; elle est dirigée contre les responsables des affaires publiques en vue de la satisfaction de revendications d’ordre économique et social. Compte tenu des progrès réalisés à ce titre, l’on constate un certain degré d’intensification de la volonté d’exercice des libertés publiques. Cependant, il s’agit de libertés exercées sur fond de mutations économiques et sociales, qui se référent parfois à des revendications économiques et sociales, dont la satisfaction est conditionnée par les moyens disponibles; ce qui nécessite l’ouverture d’un débat général destiné à renforcer les moyens d’exercice des libertés en dehors de la logique de la lutte. Il convient de signaler ici que le fait que le CCDH se penche sur cette question,s’inscrit dans le cadre de l’intérêt qu’il porte à la promotion des droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux, et de sa volonté d’ouvrir un débat public sur les mécanismes susceptibles de parvenir à de tels objectifs. C’est un débat qui fera l’objet, dans un proche avenir, d’une étude, sous forme de rapport thématique ou d’un séminaire ou colloque national, afin que le Conseil puisse se forger une vision plus claire, fondée sur des données scientifiques et objectives, et contribuer à l’élaboration d’une approche nationale participative, en mesure d’assurer la promotion de ces droits. Le rapport fait également le point sur l’état de l’adhésion du Maroc au dispositif universel des droits de l’Homme et l’action du Conseil pour inciter à la ratification des conventions et chartes internationales relatives aux droits de l’Homme, ainsi qu’à l’harmonisation de la législation nationale avec ces instruments. Des efforts couronnés par un important message royal, à l’occasion de la commémoration du soixantième anniversaire de la proclamation de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, dans lequel Sa Majesté le Roi, que Dieu l’assiste, a annoncé la levée des réserves du Maroc, précédemment enregistrées sur la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, ainsi que la ratification de la Convention internationale relative à la protection des droits des personnes handicapées. Le rapport traite également du premier rapport national présenté au Conseil des Droits de l’Homme dans le cadre de l’Examen périodique universel, ainsi que de la poursuite de l’attention portée par le Maroc aux questions relatives au droit international humanitaire et au renforcement de sa coopération avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés. Aussi, aborde-t-il le renforcement du cadre juridique et institutionnel en matière de moralisation de la vie publique, en harmonie avec la Convention internationale sur la lutte contre la corruption, publiée au Bulletin officiel; de même que la poursuite de la consolidation des droits de certaines catégories de citoyens, notamment les membres de la communauté marocaine à l’étranger, l’enfance, les détenus…, et de l’intérêt accordé au droit à un environnement sain. Le rapport passe également en revue le grand intérêt accordé par le Conseil, durant l’année écoulée, à la plupart des questions relatives aux droits de l’Homme qui ont marqué la scène nationale, ainsi que les efforts qu’il a déployés afin de protéger et de promouvoir ces droits, par le biais de la communication avec les départements gouvernementaux concernés et les acteurs de la société civile. Ce bilan comprend également les actions du Conseil concernant certaines questions fondamentales, pour lesquelles il a ouvert des chantiers structurants basés sur des valeurs de diversité, de pluralisme, de participation et de réflexion stratégique.