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Ahmed Herzenni, président du Conseil consultatif des droits de l'Homme (CCDH),« Tout ce qui a été réalisé honore le Maroc »

Le CCDH a célébré, le 8 mai dernier, le 18e anniversaire de sa création. Retour sur les réalisations et le parcours d'une institution dont la mission se situe au confluent du politique, du juridique et du constitutionnel.

LE MATIN : Quel bilan dressez-vous du CCDH, dix- huit ans après sa création ?

AHMED HERZENNI : L'évaluation, c'est le peuple marocain qui doit la faire. Mais ce que je peux vous dire en tant que président du CCDH c'est que le conseil a joué un rôle central et déterminant dans l'instauration et la promotion des droits de l'Homme et dans le renforcement du processus démocratique au Maroc. C'est l'objectif cardinal qu'on s'était fixé lors de la création du conseil.
D'ailleurs, les premières recommandations ont porté sur la libération des détenus politiques et l'indemnisation des victimes de la répression. Puis, le conseil a pris un nouvel essor, suite à sa réorganisation en début de cette décade, sur demande des victimes elles-mêmes. L'on se rappelle en effet que l'ancien président avait fondé le Forum vérité et justice, qui était à l'époque une sorte de corporation réunissant les victimes. Une des premières revendications de ce forum était l'amendement du dahir portant création du CCDH pour que celui-ci soit plus en phase avec les principes de Paris. Le forum a insisté aussi sur l'importance de ne pas se contenter de la réparation financière en instaurant aussi la réhabilitation symbolique des victimes. De même qu'il a insisté sur l'importance de lever le voile sur toutes les exactions du passé ainsi que leurs auteurs. Sans oublier la création de l'IER (Instance Equité et Réconciliation) en 2004 qui reste une étape charnière dans la vie du CCDH. Donc, pour évaluer l'action du conseil, il faut évaluer les réalisations de l'IER et la mise en œuvre de ses recommandations. A ce niveau, je voudrais préciser que les recommandations peuvent être classées en 4 catégories: la première concerne l'indemnisation des individus, la seconde, la réparation communautaire, la troisième, l'établissement de la vérité et détermination des responsabilités et enfin, quatrième catégorie, les réformes institutionnelles et juridiques qu'il convient d'entreprendre afin d'éviter la reproduction des drames du passé.

Qu'est-ce qui a été réalisé de ces recommandations jusqu'à présent ?

Concernant les indemnisations individuelles, pas moins de 12 000 personnes ont été dédommagées. De même, les victimes ainsi que leurs ayants droit, soit environ 45 000 personnes, bénéficient de la couverture médicale.
Pour ce qui est de la réparation communautaire, l'IER avait déterminé 11 provinces (ou communautés humaines dans ces provinces) ayant été victimes de marginalisation pour des raisons liées aux droits de l'Homme. Cette réparation a eu, selon les cas, une dimension symbolique ou une dimension matérielle. Il s'agissait donc soit d'intervenir pour préserver la mémoire de ces lieux, soit pour donner l'occasion à ces zones de rattraper leur retard en matière de développement socioéconomique. C'est ainsi que des coordinations ont été constituées à l'échelle locale pour suivre ces programmes suivant le plan fixé par l'Instance. Ces coordinations comprenaient des représentants du CCDH, des représentants des services extérieurs des différents ministères et de la société civile locale. Actuellement, elles bénéficient d'une formation pour les qualifier à superviser les programmes jugés prioritaires. En attendant la fin de ces formations, des appels d'offres seront lancés pour le choix des opérateurs qui mettront en œuvre les projets. S'agissant de l'établissement de la vérité, l'IER avait dressé au départ une liste de 1200 présumés disparus. Cette liste ne comprend maintenant que 20 noms dont les cas sont encore non élucidés. A présent, on est en train de procéder à l'analyse génétique des restes des corps des disparus qui ont été retrouvés, sachant que pour d'autres, on recherche toujours les corps. Quatrième axe, nous avons ouvert sereinement le chantier des reformes institutionnelles et juridiques. Des experts se penchent sur les réformes qu'il est possible d'introduire dans le domaine de la justice et du contrôle des appareils sécuritaires en particulier. En attendant les premières propositions de ces experts, nous comptons élargir le débat pour lui conférer une dimension nationale.

Vous avez le sentiment que le CCDH a rempli sa mission ?

En matière des exactions du passé on peut dire qu'on a réalisé la quasi-totalité des recommandations de l'IER et on espère qu'à fin 2008, on aura accompli notre tâche, en tant que conseil, car il est clair qu'il reste des choses qui relèvent de l'Exécutif. Cela dit, je tiens à souligner que ce que le Maroc a fait dans ce domaine est plus qu'honorable.
D'ailleurs tout le monde en atteste. Le Royaume a fait plus que d'autres pays qui médiatisent mieux leurs réalisations. Après avoir tourné cette page, on abordera une nouvelle étape, celle qui concerne la promotion des droits économiques, sociaux et environnementaux sans oublier les droits politique et civils, car il faut rester vigilant. Et pour préparer cette transition, on a lancé récemment le Plan d'action nationale en matière de démocratie et des droits de l'Homme au Maroc dont vous avez sans doute entendu parler. Voilà en gros ce qui a été fait, seulement il ne s'agit pas là d'une évaluation mais d'éléments d'évaluation qu'on met à la disposition des lecteurs et des citoyens, c'est à eux de se faire leur opinion.

Vous avez dit que, dans l'axe relatif à l'établissement de la vérité, la liste initiale a été réduite à 20 noms, Mehdi ben Barka en fait-il partie ?

Mehdi ben Barka a été enlevé alors qu'il se trouvait à l'étranger. Et probablement il a été enterré à l'étranger. Cela en soi constitue un obstacle à l'établissement de la vérité. La justice française ne s'est pas montrée très coopérative sur cette question. Car, à ce que je sache, cette affaire a fait l'objet de trois procès et à chaque fois la conclusion était différente. Par exemple, le premier procès a innocenté Ahmed Dlimi et, ce faisant, la justice française a blanchi tout l'appareil qui était sous son contrôle. C'est là que le bât blesse. De plus, la France n'est pas la seule partie étrangère impliquée dans ce dossier, ce qui complique les choses davantage.

Vos récentes déclarations sur la déontologie de la presse ont suscité une vive controverse…

Mes déclarations sont enregistrées et on peut les consulter. Ce que j'ai dit est que le conseil était contre les peines privatives de liberté pour les journalistes. Donc le CCDH est pour que les journalistes jouissent de toutes les garanties relatives à la liberté d'expression. C'est la position du conseil et c'est la mienne aussi. Ce que j'ai ajouté, et tout cela est enregistré, c'est que le fait que les journalistes doivent bénéficier de ces droits et qu'ils aient un code qui leur est propre ne leur confère pas une immunité spéciale et ne les exonère pas d'être soumis au code pénal comme tout le monde en cas d'infraction. Je le dis , il ne peut y avoir de droits sans responsabilités et devoirs, et partant les journalistes doivent s'autoréguler et se doter d'une charte éthique. Et je pense qu'il y a un manque là-dessus et j'ai donné un exemple très révélateur le jour de la conférence à laquelle vous faites allusion.

Le CCDH est constamment consulté dans le cadre de l'élaboration du nouveau code de la presse. Est-ce que la position de la profession et celle du ministère sont-elles conciliables ?

Ce que je peux vous dire, c'est que le ministre de la Communication et moi-même souhaitons ardemment que les peines privatives de liberté soient supprimées. C'est un vœu formulé par l'ensemble des démocrates de ce pays. Seulement, c'est une décision qui pourrait porter à conséquence. Donc, il faut qu'on soit sûr que la suppression de ces peines ne soit pas interprétée comme un feu vert à tous les abus de la part des journalistes. C'est la raison pour laquelle nous insistons sur la question de la responsabilité.

Est-ce à dire que vous n'avez pas confiance dans la maturité de la presse ?

Pour être honnête, si la presse ne fait pas un effort pour s'améliorer, on n'est pas sorti de l'auberge. Une partie de la presse n'est pas mature. Après un passé marqué par la répression de la liberté d'expression, il a fallu vivre un printemps de la liberté d'expression et c'est justement ce à quoi on assiste. Logiquement il devrait s'ensuivre la saison de l'été qui devrait être marquée par une certaine maturité.
Je me permets d'aborder cette question comme ça car je me considère comme journaliste. Et en tant que tel, je pense que la presse doit faire un effort pour s'amender. Et ça n'a rien de mal, car il y a des insuffisances dans ce domaine comme il y en a dans d'autres domaines. Mais ce qui est grave, c'est le fait que certains journalistes affirment que sous prétexte que d'autres secteurs comme la justice, l'enseignement se portent mal, la presse a le droit d'être comme ça. Ils réclament le droit à la médiocrité pour ainsi dire. La presse est un secteur à part et le journaliste est censé être à la hauteur et faire partie d'une certaine élite. Le vrai journaliste est celui qui dénonce ce qui est condamnable, qui défend ce qui est défendable et surtout, de temps en temps, il doit faire son autocritique.

Quelle est votre position par rapport au débat sur la peine de mort ?

Feu Driss Benzekri, quelques mois avant sa mort, avait déclaré que le CCDH est pour l'abolition de la peine de mort. Donc, on est contre ce châtiment, car la peine capitale est indigne de l'être humain quel que soit le crime commis. Un être humain ne peut en aucun cas s'arroger le droit d'ôter la vie à un autre être humain. Puis, les expériences à travers le monde ont prouvé que la peine capitale n'a aucune valeur répressive ou dissuasive. Les pays dans lesquels cette peine existe souffrent des mêmes taux de criminalité que les pays abolitionnistes.
Cela dit, on est conscient qu'il ne suffit pas que le CCDH soit convaincu de la nécessité d'abolir cette peine, il faut que l'opinion publique et la société, et notamment les professionnels qui ont une relation directe avec la question comme les magistrats, les oulémas en soient convaincus…Or, tout indique que l'unanimité est loin d'être acquise.

Par Abdelwahed Rmiche | LE MATIN:
Publié le : 11.05.2008

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