A propos


1- Mise en place et mandat
Instaurée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI le 7 janvier 2004, l’Instance Equité et Réconciliation (IER) a été mise en place en tant que mécanisme de justice transitionnelle en approbation d’une recommandation adoptée par le Conseil consultatif des droits de l’Homme (CCDH), prédécesseur du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH). Dans le discours prononcé à cette occasion, le Souverain a conféré à l’Instance une dimension historique et lui a confié des responsabilités éminentes en la définissant comme une commission pour la vérité et l’équité.


La mise en place de l’IER a marqué l’aboutissement d’un processus volontariste visant à parvenir à une résolution juste et équitable des violations graves des droits de l’Homme commises dans le passé. Sa création est notamment le fruit des débats entre divers acteurs au Maroc, dont la société civile, les victimes des violations et leurs familles.


L’IER a succédé à l’Instance d’Arbitrage Indépendante, établie en 1999 qui avait pour mandat d’indemniser financièrement les victimes et leurs ayants droits. Cette nouvelle Instance s’est vue dotée d’un mandat bien plus ambitieux consistant, entre autres, à enquêter sur les violations graves des droits de l’Homme et à en établir la nature et la gravité en les situant dans leurs contextes et les évaluant à la lumière des principes et des standards des droits de l’Homme, de la démocratie et de l’Etat de droit. L’IER était aussi chargée de formuler des recommandations garantissant la non-répétition de ces violations. Cette décision avait placé le Maroc en tant que premier pays dans la région de l’Afrique du nord et du moyen orient à introduire cette démarche.


L’IER était, au moment de sa création, la première commission de vérité au monde à être investie notamment du pouvoir d’accorder des réparations directes. En couvrant une période de 43 ans, son champ d’action s’étendait sur une durée des plus longues dans l’histoire des expériences de justice transitionnelle dans le monde, à savoir de 1956 à 1999.


L’IER a élaboré ses propres statuts au travers d’un processus autonome, approuvés par décret royal N° 1.04.42 le 10 avril 2004 et publiés au Bulletin officiel N° 5203 le 12 avril 2004. Ces statuts encadrent ses missions, tracent sa juridiction et précisent les modalités de ses opérations, en conformité avec les normes et orientations internationales.


L’IER était composée d’un président et 16 membres de diverses sensibilités, dont des membres de la société civile et du CCDH, tous unis autour des mêmes objectifs de protection et de promotion des droits de l’homme. Menant ses missions selon un plan d’action adapté aux différentes phases de son travail, l’Instance s’est basée sur les principes et les normes du droit international des droits de l’Homme et du droit humanitaire international relatifs au droit au recours, à la réparation des préjudices et au droit de connaître la vérité. Elle a notamment pris en compte les conclusions tirées des différentes expériences des pays ayant entrepris un processus de vérité et de réconciliation. Elle a, de plus, accordé un intérêt particulier à la préservation de la mémoire, la réhabilitation des victimes et le renforcement de l’unité nationale à tous les niveaux.


2- Missions et responsabilités

  • Etablissement de la vérité : La détermination des catégories et de la gravité des violations passées des droits de l’Homme, et ce, à travers les investigations, le recueil de déclarations et témoignages, l’examen des archives officielles, ainsi que la collecte des informations et données pouvant contribuer à la recherche de la vérité auprès de toute source ;
  • Poursuite des investigations concernant les cas non encore élucidés de disparition forcée, déployer tous les efforts au sujet des faits qui n’ont pas été établis, l’élucidation du sort des disparus, tout en proposant des solutions adéquates aux cas de décès avérés ;
  • Etablissement de la responsabilité des organes étatiques ou autres concernant les violations et faits ayant fait l’objet des investigations ;
  • Elaboration d’un rapport comportant les conclusions des investigations et analyses concernant les violations et leurs contextes ;
  • Réparation par l’indemnisation matérielle, la réhabilitation et la réinsertion sociale et toutes autres modalités sur la base des investigations menées en vue de l’établissement de la vérité.

 

3- Cadre opérationnel
L’organisation interne de l’IER a reflété une approche adaptative et proactive. L’Instance s’est dotée d’une structure opérationnelle composée de trois groupes de travail distincts, dans l’objectif d’insuffler une dynamique de réflexion et d’interaction à ses travaux :

  • Le premier groupe de travail, dédié aux investigations, avait pour mission d’éclairer le sort des victimes des disparitions forcées. Le groupe a procédé à une collecte exhaustive d’informations, de témoignages et de documents relatifs aux différents événements et contextes liés aux violations graves des droits de l’Homme commises dans le passé.
  • Le deuxième groupe de travail, focalisé sur la réparation des préjudices, s’est engagée dans une démarche méthodique d’examen et d’élaboration de projets de décisions concernant les requêtes aux fins de réparation des préjudices matériels et moraux subis par les victimes des violations graves.
  • Le troisième groupe de travail, axé sur la recherche et les études, a impulsé une démarche systématique d’élaboration et de conduite d’études nécessaires à la réalisation des objectifs de l’Instance. En analysant les données, les informations et les conclusions obtenues par les autres groupes de travail, cette équipe a préparé le terrain pour la rédaction du rapport final de l’IER.
  • L’IER a également mis en place des comités spéciaux visant à affiner les réflexions sur des problématiques particulières et à entreprendre des missions spécifiques. Ces comités se présentent comme suit :
  • Comité du planning ;
  • Comité de la stratégie de communication ;
  • Comité de codification et d’évaluation de l’expérience de l’ancienne Commission d’Arbitrage ;
  • Comité d’étude des questions juridiques liées à la compétence de l’Instance;
  • Comité du système d’informations ;
  • Comité chargé de l’organisation des séances d’audiences publiques ;
  • Comité chargé de l’organisation des rencontres thématiques ;
  • Comité de développement de l’approche de réparation des préjudices;
  • Comité du rapport final.
  • L’Instance a notamment établi une administration composée de cadres administratifs et techniques ainsi que d’agents d’exécution, tout en se faisant accompagner par des experts et des conseillers. Elle a structuré son administration en unités liées aux groupes de travail et aux comités techniques. Ces unités comprennent :
  • L’unité administrative du groupe de travail chargé des investigations ;
  • L’unité administrative du groupe de travail chargé de la réparation des préjudices ;
  • L’unité administrative du groupe de travail chargé des études et des recherches.

 

D’autres unités administratives chargées du traitement des questions transversales ont été créées, à savoir le Secrétariat de la Présidence et des membres de l’Instance, l’unité de coordination administrative, l’unité des affaires administratives et financières, l’unité du système d’information, l’unité de gestion des dossiers, de documentation et d’archivage, ainsi que l’unité de communication et d’information. Par ailleurs, des unités administratives ou techniques ont été créées pour traiter de certaines questions spécifiques, comme l’unité médicale et l’unité de préanalyse des dossiers.

Membres

Quelques recommandations de l'Instance Equité et Réconciliation (IER)

L’Instance n’est pas habilitée à prendre position concernant les points de vue politiques formulés lors du débat public sur la Constitution. 

Etant donné cependant que la Constitution confère à Sa Majesté le Roi et au parlement le pouvoir d’initiative de révision, l’Instance propose, dans le cadre de sa réflexion sur des questions touchant au fond du dispositif constitutionnel de prendre en considération, quand ce sera possible, ce qui suit :

  • La consolidation du respect des droits de l’Homme et l’amélioration de la gouvernance sécuritaire, notamment en cas de crise ;

  • La consolidation du fondement constitutionnel des droits de l’Homme tels qu’universellement reconnus, à travers une consécration claire du principe de la primauté des conventions et des accords internationaux, et de manière plus générale, des normes du droit international des droits de l’Homme et du droit humanitaire, sur les lois nationales ;

  • La consécration explicite, par la Constitution, du contenu des libertés et des droits fondamentaux qu’elle stipule, comme les libertés de déplacement, d’expression, de manifestation, d’organisation syndicale et politique, de rassemblement public, du droit de grève, du droit à l’inviolabilité du courrier et du domicile, au respect de la vie privée ; la nécessité également de prémunir ces droits et libertés contre les fluctuations de l’action législative, organisationnelle et administrative habituelle, en faisant relever ce domaine de la compétence de la loi et en obligeant le législateur lui-même, à chaque fois qu’il intervient pour en organiser l’exercice, à imposer, en plus des garanties existantes, d’autres garanties préventives, tout en assurant aux citoyens qui s’estiment lésés dans leur liberté ou leur droit des voies de recours ;

  • Renforcer les garanties constitutionnelles de l’égalité entre les deux sexes, en affirmant cette égalité sur le plan des droits politiques, économiques, sociaux et culturels ;

  • Renforcer le contrôle de la constitutionnalité des lois et des actes réglementaires autonomes du pouvoir exécutif, consacrer dans la constitution le droit d’invoquer devant les juridictions l’exception de non constitutionnalité de la loi, assorti de la saisine du Conseil constitutionnel pour trancher de la question, tout en conditionnant ce droit de manière à éviter les abus, garantir le droit de la minorité parlementaire à saisir le Conseil constitutionnel de lois votées par le parlement qu’elle considère comme non constitutionnelles ;

  • Incriminer les pratiques de la disparition forcée, de la détention arbitraire, du génocide, ainsi que des crimes contre l’humanité, de la torture et de toute sorte de peines cruelles et de traitements inhumains et dégradants ;

  • Prohiber toutes les formes internationalement condamnées de discrimination, et d’incitation au racisme, à la xénophobie, à la violence et à la haine ;

  • Consacrer constitutionnellement le principe de présomption d’innocence en faveur de tout accusé non encore reconnu coupable, et garantir le droit de chaque accusé à un procès équitable ;

  • Consolider le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs, notamment en ce qui concerne l’indépendance de la justice et le statut de la magistrature, en interdisant expressément toute intervention du pouvoir exécutif dans la justice et dans le fonctionnement du pouvoir judiciaire ;

  • Consolider les garanties constitutionnelles de l’indépendance du Conseil supérieur de la Magistrature, faire dépendre son statut d’une loi organique qui en revoit la composition et la fonction de manière à assurer en son sein la représentation de parties externes au corps judiciaire, tout en garantissant son autonomie humaine et financière, et en le dotant de larges compétences dans le domaine de l’organisation de la profession, de sa régulation déontologique, de l’évaluation et de la sanction disciplinaire des magistrats, et habiliter le Conseil à présenter des rapports annuels sur le fonctionnement de la justice ;

  • Promouvoir la bonne gouvernance sécuritaire dans le sens du renforcement de la sécurité et de la préservation de l’ordre public, en temps ordinaire comme en temps de crise ;

  • Préciser et renforcer les pouvoirs du parlement dans la conduite des enquêtes et des investigations en matière de respect des droits de l’Homme, lui permettant de se saisir des faits de nature à établir des violations graves, tout en le contraignant à constituer des commissions d’investigation dotées de larges compétences pour enquêter sur tous les cas où il paraît que les droits de l’Homme ont été violés ou sont menacés de l’être de façon manifeste, et en accordant à la minorité parlementaire le même droit de constituer des commissions d’investigation ;

  • Poser le principe de la responsabilité du gouvernement en matière de protection des droits de l’Homme, de maintien de la sécurité, de l’ordre public et du fonctionnement de l’administration publique ;

  • La constitution d’une commission de haut niveau, composée d’experts dans les domaines juridiques, du droit constitutionnel et des droits de l’Homme, chargée d’examiner les conditions et les effets de toute proposition en matière constitutionnelle et de présenter les propositions adéquates visant à l’harmonisation des lois nationales avec les conventions internationales ratifiées par le Maroc dans le domaine des droits de l’Homme.

  • Ratifier le deuxième Protocole, relatif à l’abrogation de la peine de mort, se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

  • Ratifier le protocole facultatif se rapportant à la Convention internationale relative à l’élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes, et lever les réserves émises par le Maroc au sujet de certaines dispositions de ladite Convention;

  • Ratifier le statut de la Cour pénale internationale, suite à la signature de ce statut par la Maroc, tout en examinant les contraintes qui en découlent.

3.1. Le renforcement juridique des droits et libertés individuelles et collectives

  • Préciser les procédures et les mécanismes judiciaires a priori et a posteriori susceptibles de garantir l’équilibre entre, d’une part la nécessité d’élargir l’étendue des libertés et de préserver la dignité et la vie privée des individus, et d’autre part les exigences de la lutte contre le terrorisme, la haine, la violence et la discrimination ;

  • Renforcer le contrôle judiciaire postérieur aux jugements ;

  • Préciser les moyens de renforcer, d’habiliter et de promouvoir l’organisation autonome des institutions professionnelles, notamment concernant l’éthique, la déontologie et le règlement des conflits internes.

3.2. Les violations graves des droits de l’Homme

  • Harmoniser la législation pénale nationale avec les engagements contractés par notre pays en matière de normes internationales, en matière des crimes de disparition forcée et de détention arbitraire, en faisant notamment :

  • Intégrer dans le Code pénal marocain les définitions et les éléments constitutifs de ces actes qualifiés par la loi internationale comme des crimes ;

  • Intégrer les principes de responsabilité et de sanction, ainsi que les peines, tels qu’ils sont internationalement définis ;

  • Appliquer les plus lourdes peines aux auteurs et complices de ces crimes, quels que soient leur grade, leur situation et leur fonction, et quel que soit le rapport qu’ils ont eu avec la restriction de liberté et l’application de la loi, à tous ceux qui agissent sous leurs ordres ou qui fournissent, en vertu de leur fonction, aide ou expertise, ainsi qu’à tous ceux qui taisent ou s’abstiennent de fournir des informations concernant les crimes de la disparition forcée, de détention arbitraire et de torture ;

  • Faire obligation aux agents publics, agents d’autorité et tous les agents agissant sous les ordres de leurs supérieurs, de porter à la connaissance toute information se rapportant à un crime ou à une tentative de crime, quelle que soit la qualité de l’autorité qui a donné l’ordre ;

  • Instaurer des procédures spéciales visant à la protection des victimes des violations graves des droits de l’Homme, et éventuellement leurs ayants droit, concernant les auditions durant les enquêtes, le droit de se constituer partie civile auprès de la juridiction compétente, la réhabilitation et la réparation des préjudices ;

  • L’Instance note avec un grand intérêt l’initiative du gouvernement visant à l’élaboration d’un projet de loi incriminant la torture, en application d’une recommandation du CCDH, ainsi que le renforcement et l’approbation de ce projet de loi par le parlement dans la perspective de sa publication officielle.

  • Sur la base des résultats des enquêtes qu’elle a menées, l’Instance Equité et Réconciliation appelle à l’élaboration d’une stratégie nationale globale, intégrée et multipartite de lutte contre l’impunité ; une stratégie adossée à des dispositions législatives protectrices conformes aux standards internationaux et aux exigences de la consolidation et de la sauvegarde du processus de démocratisation en cours dans le pays, dans le cadre d’une action à laquelle prennent part tous les partenaires juridiques, judiciaires, civils, éducatifs et sociaux et ce par le biais de programmes visant à la lutte, la prévention, la sensibilisation, l’instruction et la formation, ainsi qu’à la garantie de dispositions répressives efficaces et d’un contrôle transparent et équitable, afin de rompre définitivement avec l’impunité.


 

  • La mise en œuvre des résultats du dialogue national à l’occasion du Colloque sur la politique pénale, organisé à Meknès les 9, 10 et 11 décembre 2004, considérant que les conclusions et les recommandations issues de ce colloque constituent une bonne plateforme pour l’élaboration de réformes de la politique pénale dans notre pays, notamment en ce qui concerne la détention, les peines privatives de liberté et leurs substituts possibles, les substituts de l’action publique, les garanties de protection et d’aide des victimes, de protection des catégories les plus fragiles, ainsi que les mécanismes de la justice pénale ;

  • Le renforcement de la dernière mouture du Code de Procédure pénale révisé par des dispositions supplémentaires ou complémentaires visant à consécration de la protection des droits de l’Homme à l’orientation vers une justice d’instruction au lieu de la justice d’accusation, et à remédier aux lacunes et irrégularités issues de la pratique, et qui ont entravé l’action des professionnels ;

  • Renforcer la dernière mouture du Code pénal révisé par l’intégration d’une définition claire et précise de la violence contre les femmes conforme aux normes internationales en vigueur dans ce domaine, durcir les peines qui sanctionnent toutes les formes de violences contre les femmes, y compris les viols commis par les agents des appareils chargés de l’application des lois, étendre le champ d’application de l’incrimination pour harcèlement sexuel de manière à englober tous les espaces (au lieu d’être limité au seul lieu du travail, comme il est stipulé par les derniers amendements), et à prendre en compte de l’obligation de mettre les femmes se trouvant en garde à vue sous la responsabilité de femmes.


 

En plus de ce qui a été dit concernant le renforcement constitutionnel du pouvoir judiciaire :

  • Séparer la fonction du ministre de la Justice de celle du Conseil supérieur de la magistrature ;

  • Domicilier le Conseil supérieur de la magistrature au siège de la Cour suprême à Rabat ;

  • Poursuivre l’accélération de la réforme de la justice et de l’élévation de son niveau ;

  • Poursuivre la modernisation des tribunaux ;

  • Veiller à la motivation, à la formation fondamentale et continue, et à l’évaluation des prestations des magistrats et des auxiliaires judiciaires ;

  • Poursuivre les projets visant à réorganiser les différentes professions judiciaires, et à les pourvoir d’autonomie quant à leur gestion et à leur régulation juridique, déontologique et éthique ;

  • Revoir l’organisation et les compétences du ministère de la Justice, de manière à empêcher toute intervention ou influence de l’appareil administratif sur le cours de la justice et le déroulement des procès ;

  • Incriminer toute intervention de l’autorité administrative sur le cours de la justice ;

  • Durcir les peines sanctionnant toute atteinte à l’intégrité et à l’indépendance de la magistrature.


 

  • La mise en œuvre des recommandations émanant du CCDH, et citées dans son rapport publié en 2004 sur la situation dans les établissements pénitentiaires, afin de remédier à la situation dans ces établissements ; il s’agit de l’élargissement des compétences du juge d’application des peines, de l’application du système de libération conditionnelle et du contrôle judiciaire, de l’élaboration de dispositions organisant le droit de grâce du point de vue de la procédure et des critères le conditionnant ;

  • Le compte rendu au CCDH par le ministère de la Justice de l’état d’avancement de cette mise en œuvre, des difficultés qui ont pu l’entraver, et des causes qui sont à l’origine de ces difficultés ;

  • Créer un conseil administratif restreint, composé de juges, d’éducateurs et d’experts dans le domaine, chargé de donner son avis sur la gestion financière, organisationnelle et sécuritaire et sur la gestion des ressources humaines, ainsi que sur le choix et la nomination des directeurs de prison et sur l’évaluation du fonctionnement des établissements.

8.1. La responsabilité gouvernementale dans le domaine de la sécurité

  • Mettre en œuvre la règle selon laquelle «le gouvernement est solidairement responsable» des opérations sécuritaires, du maintien de l’ordre public et de la protection de la démocratie et des droits de l’Homme, et obliger le gouvernement à informer le public et le parlement de tout événement qui a nécessité l’intervention de la force publique, en précisant le déroulement des faits, la nature et les conséquences de l’opération sécuritaire, ainsi que les responsabilités qui en découlent et les mesures à prendre éventuellement pour remédier à la situation.

8.2. Le contrôle et l’investigation parlementaires dans le domaine de la sécurité

  • La mise en œuvre, par les partis politiques de leur responsabilité politique et législative concernant la protection des droits de l’Homme et des libertés fondamentales des citoyens, à chaque fois qu’il s’agit d’allégations de violations graves des droits de l’Homme ou d’actes graves portant atteinte aux valeurs de la société et à son choix démocratique ;

  • Renforcer l’action des commissions parlementaires d’investigation en les dotant de compétences en matière sécuritaire et juridique, afin de les aider à élaborer des rapports objectifs et significatifs, loin de toute considération politique ;

  • Renforcer les mécanismes de questionnement et d’audition parlementaires directs en matière de responsabilité du maintien de la sécurité et de l’ordre public ;

  • Elargir la pratique parlementaire de questionnement et d’audition afin qu’elle englobe, en plus des ministres chargés de la Sécurité et de la Justice, tous les responsables directs des appareils sécuritaires et des opérations de répression sur les plans national, provincial et local.

8.3. La situation et l’organisation des services de sécurité

  • Préciser et publier le cadre juridique et les textes y afférents relatifs aux compétences et à l’organisation du processus de prise de décision sécuritaire, les modes d’intervention au cours des opérations, les systèmes de contrôle et d’évaluation de l’action des services de renseignements, ainsi que celle des autorités administratives chargées du maintien de l’ordre public ou celles disposant du pouvoir d’utiliser la force publique.

     

8.4. Le contrôle, au niveau national, des politiques et des pratiques en vigueur dans le domaine de la sécurité

  • Procéder à la classification des différents états de crise sécuritaire, et établir les conditions et les techniques d’intervention appropriés à chaque cas, ainsi que les mécanismes de contrôle et de rédaction de rapports sur les interventions sécuritaires ;

  • Rendre immédiat et transparent le contrôle politique des opérations de sécurité et de maintien de l’ordre public, en publiant des rapports sur les opérations sécuritaires, les dégâts conséquents aux interventions, les causes qui sont à l’origine des faits ainsi que les dispositions prises pour remédier à la situation.

8.5. Le contrôle, au niveau provincial et local, des opérations de sécurité et de maintien de l’ordre

  • Mettre les opérations sécuritaires et les interventions de la force publique, actuellement subordonnées aux autorités provinciales et locales, sous le contrôle immédiat de commissions locales ou provinciales multidisciplinaires de contrôle et de suivi ;

  • Publier, après chaque opération, un rapport détaillé sur les faits, les opérations menées, le bilan et les causes de tout excès ou abus éventuel.

8.6. Les normes et les limites de l’usage de la force

  • Astreindre tout service ou agent d’autorité ou de sécurité à conserver tous les éléments documentant la décision d’intervention ou de l’usage de la force publique, ainsi que tous les rapports, avis et correspondances les concernant ;

  • Rendre nuls et sans effet les ordres et instructions donnés oralement, sauf en cas de danger imminent, et à condition que les ordres oraux donnés dans ce cas soient suivis d’ordres écrits et signés les confirmant ;

  • Instaurer des sanctions administratives et pénales sévères contre toute personne coupable de taire les dégâts humains ou matériels, ou coupable d’usage abusif de la force publique, ou qui a falsifié ou détruit ou dissimulé des documents ou informations relatives aux abus éventuellement commis.

8.7. La formation continue des agents d’autorité et de sécurité dans le domaine des droits de l’Homme

  • Elaborer des programmes de formation et de formation continue dans le domaine des droits de l’Homme et de la culture de la citoyenneté et de l’égalité, au profit des responsables, des agents de sécurité et des personnes chargées du maintien de l’ordre public, en s’appuyant sur les standards internationaux et sur la législation nationale relatifs aux droits de l’Homme ;

  • Elaborer et publier continuellement des guides et supports didactiques visant à sensibiliser les différents responsables et agents de sécurité aux règles de la bonne gouvernance sécuritaire, et du respect des droits de l’Homme.


 

L’IER appelle à l’élaboration d’un plan national global et à long terme à ce sujet, à partir des consultations nationales en cours à propos de l’initiative du CCDH d’un plan national pour l’éducation aux droits de l’Homme et leur promotion. Dans ce cadre, l’Instance considère comme étant des priorités dans le domaine de la promotion des droits de l’Homme les actions suivantes :

  • Intégrer la lutte contre l’analphabétisme, ainsi que l’éducation informelle, au sein du programme national pour l’éducation aux droits de l’Homme ;

  • Généraliser l’expérience des Clubs de la citoyenneté aux établissements scolaires, soutenir ces expériences et assurer la coordination entre elles ;

  • Faire des principes des droits de l’Homme un cadre de référence pour l’élaboration des manuels scolaires ;

  • Intégrer l’approche genre aux différents niveaux du cursus pédagogique et éducatif, y compris l’élaboration des manuels scolaires ;

  • Promouvoir efficacement les unités de recherche et de formation dans les domaines des droits de l’Homme au sein des universités, des chaires de l’UNESCO et des groupes de recherche, et généraliser ces expériences à toutes les universités marocaines ;

  • Inscrire la formation et la formation continue, ainsi que les programmes de sensibilisation aux droits de l’Homme, dans le cadre d’un plan d’action visant à permettre aux principes des droits de l’Homme, et à l’éducation à ces principes, de pénétrer les différents programmes et politiques des secteurs concernés par la promotion des droits de l’Homme ;

  • Développer les capacités institutionnelles des organisations non gouvernementales œuvrant dans le domaine des droits de l’Homme et le professionnalisme de leurs cadres, les considérer comme des partenaires incontournables dans l’élaboration de toute politique et de tout plan d’action visant à la promotion des droits de l’Homme ou à l’éducation à ces droits, et s’efforcer d’assurer la continuité et l’efficacité de ce partenariat ;

  • Enraciner la culture des droits de l’Homme dans la culture nationale dans toutes ses composantes, à travers la conduite de recherches, l’organisation de colloques et de séminaires, et la publication de périodiques culturels ;

  • Rénover la pensée religieuse, réformer l’enseignement religieux, et faire des médias audiovisuels, des lettres et des arts autant d’instruments de diffusion de la culture des droits de l’Homme.

  • Conserver toutes les archives nationales et les organiser en assurant la coordination entre les différentes sphères concernées ; adopter une loi qui établit les conditions de leur conservation, les délais de leur ouverture au public, les conditions de leur consultation, ainsi que les peines sanctionnant leur destruction ;

  • Procéder à une révision progressive des cursus de formation en histoire de notre pays ;

  • Charger l’Institut dont la création fait l’objet d’une recommandation, en plus des tâches qui lui sont confiées, de la documentation, de la recherche et de la publication relatives aux événements historiques liés au passé des violations graves des droits de l’Homme au développement des questions des droits de l’Homme et à la réforme démocratique.

  • Renforcer les compétences du Conseil et lui reconnaître un droit d’intervention, de sa propre initiative ou sur demande, dans le domaine de l’investigation au sujet des violations des droits de l’Homme ;

  • Observer le déroulement des procès ;

  • Rehausser le degré de coopération des autorités publiques avec le Conseil, lui permettre d’avoir accès aux documents et informations en rapport avec les Droits de l’Homme, et le tenir informé des mesures d’amendement éventuelles prises à ce propos.


 

  • Créer une commission au sein du CCDH, chargée du suivi de l’application des recommandations émises par l’Instance dans les domaines de la vérité, de la réparation des préjudices et des garanties contre la répétition du passé ; doter cette commission de larges compétences et pouvoirs en vue d’entrer en contact avec toutes les autorités et parties concernées, avec l’obligation de présenter un rapport périodique sur les résultats de son action informant des progrès réalisés et des causes des retards enregistrés dans ce domaine. ; de même, le Conseil prendra soin d’intégrer ce rapport à son propre rapport annuel sur l’état des droits de l’Homme au Maroc ;
  • Création, par le gouvernement, d’une commission ministérielle mixte chargée du suivi de l’application des recommandations de l’Instance, composée de représentants des ministères de l’Intérieur, de la Justice, de la Culture, de l’Information, de l’Education et de le Formation professionnelle ; 
  • Assurer le suivi de la mise en œuvre des résultats des travaux de l’Instance dans le domaine de la réparation des préjudices, par le biais d’un mécanisme de suivi chargé de l’élaboration officielle des décisions prises en matière d’indemnisation des victimes, des procédures de notification de ces décisions aux victimes et de leurs transmission au gouvernement pour exécution ; veiller également à la mise en œuvre des recommandations de l’Instance concernant la réparation des autres préjudices ; 
  • Création de commissions techniques pour assurer le suivi de l’application des projets de réparation des préjudices sur le plan collectif, où sont représentés les secteurs et services concernés ; ces commissions doivent tenir périodiquement le gouvernement, ainsi que la commission de suivi issue du CCDH, informés des résultats de leurs travaux ; 
  • Création de commissions mixtes pour le suivi, composées d’élus, de représentants des autorités locales, des organisations non gouvernementales et des services gouvernementaux techniques concernés ; ces commissions sont chargées d’assurer le suivi de l’application des projets proposés sur les plans communal, provincial et régional, avec obligation de présenter des rapports périodiques aux communes locales, au gouvernement et à la commission de suivi issue du Conseil. 
     

-L’Instance recommande l’instauration de la couverture médicale de base, conformément à la loi N° 00-65, au profit des personnes dont elle a pu établir qu’elles ont été victimes de violations des droits de l’Homme ; 

-L’Instance propose, en conséquence, qu’il soit procédé, dans une première étape, à l’intégration de ces personnes, en tant que bénéficiaires de pensions que l’Etat se chargerait de couvrir, et ce en vertu du deuxième article de la loi susmentionnée ; 

-Le CCDH peut, dans une deuxième étape, contribuer à l’élaboration d’un projet d’amendement dans ce sens, en accord avec les parties concernées, visant à faire intégrer clairement cette catégorie dans le cadre de la loi en question ;

-La création d’un service permanent pour l’orientation et l’aide aux victimes, en tant que centre de référence spécialisé dans le soutien des victimes des violations et des mauvais traitements, suivant les propositions suivantes :

  • La nomination d’un «médecin coordinateur sur le plan national» et d’un «médecin coordinateur sur le plan local», relevant tous deux du ministère de la Santé, notamment dans les wilayas et provinces où résident un grand nombre de victimes ; 
  • Le centre se charge, en coordination avec les secteurs concernés, d’assurer l’encadrement scientifique du personnel de santé œuvrant dans ce domaine (médecins, infirmiers, assistantes sociales, etc.) ; 
  • Le centre se charge de fournir conseils et services scientifiques et techniques dans ce domaine, à toutes les parties et institutions concernées, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays ; 
  • Etant donné le besoin pressant d’un tel appareil au niveau du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde, il est appelé à jouer ultérieurement un rôle prépondérant en tant que centre de référence au niveau régional, certaines organisations internationales et associations régionales ayant exprimé leur volonté de soutenir un tel projet ; 

-S’appuyant sur les résultats des études et des investigations qu’elle a menées, il est apparu à l’Instance, concernant la santé des victimes, qu’une catégorie d’entre elles a besoin d’une attention particulière en raison de leurs conditions médicales et sociales, qui nécessite une prise en charge médicale d’urgence dans des centres spécialisés.
 

-L’IER salue l’ordre royal adressé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu le préserve, au gouvernement lui ordonnant de garantir une participation complète et globale des ressortissants marocains à l’étranger aux futures entreprises nationales de développement, ainsi que la création d’un Conseil supérieur des ressortissants marocains à l’étranger ; 

-L’IER considère que l’élaboration d’un plan politique respectant les droits et les intérêts des ressortissants marocains à l’étranger nécessite une concertation et une coordination entre le futur Conseil, les associations et les acteurs agissant en leur sein d’une part, et le gouvernement d’autre part : 

  • L’Instance recommande la création d’un musée national de l’émigration, afin de préserver la mémoire des émigrés et leur contribution à l’histoire ; 
  • L’Instance demande, en attendant, le gel des activités des amicales au sein de tout établissement public ou semi-public, ces amicales ayant joué d’une manière ou d’une autre un rôle dans les violations des droits des émigrés ; 
  • L’Instance recommande à la commission chargée du suivi des opérations d’indemnisation de veiller au règlement des problèmes des citoyens expatriés qui n’ont pas encore pu rejoindre le pays, notamment en apportant des solutions aux problèmes administratifs auxquels ils se heurtent. 
     

Exposé des motifs Considérant la haute volonté de sa Majesté le Roi Mohammed VI que Dieu l’assiste de consacrer les valeurs, l’esprit et la culture des droits de l’Homme en tant que choix constant du Royaume du Maroc, résolument et maintes fois affirmé par Sa Majesté dans ses interventions telles que: «Nous réitérons Notre attachement aux droits de l’Homme et aux valeurs de liberté car Nous avons la ferme conviction que le respect des droits de l’Homme et la souscription aux chartes internationales consacrant ces droits ne relèvent pas du luxe ou de la mode, mais d’une nécessité dictée par les exigences de l’évolution, du développement et du progrès. Nous estimons, pour Notre part, qu’il n’existe aucune incompatibilité entre l’ambition de développement et les droits humains d’autant qu’il n’y a pas d’antinomie entre l’Islam, qui a honoré l’être humain, et les droits de l’Homme. Pour toutes ces raisons, Nous estimons que le prochain siècle sera par excellence le siècle du respect des droits de l’Homme ou ne sera pas». Extrait du message Royal du 10 décembre 1999 à l’occasion du 51ème anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. S’inspirant de la profonde portée philosophique et de la ferme volonté royale maintes fois soulignée par Sa Majesté de clore, de manière juste et équitable, le dossier de la disparition forcée, de la détention arbitraire et de l’exil pour des motifs politiques et de réhabiliter les victimes et la société dans le cadre de la continuité et le développement d’un Maroc solidaire et réconcilié avec lui, résolument tourné vers un avenir meilleur, ainsi que l’a déclaré sa Majesté: «Nous avons accordé aux droits de l’Homme une attention particulière, laquelle a pris forme à travers plusieurs mesures et actions visant à réconcilier les Marocains avec leur passé et à remédier aux dépassements et violations. Notre objectif a toujours été d’asseoir les conditions à même de garantir un avenir meilleur à travers la réparation du préjudice, la réhabilitation des victimes et l’établissement de garanties préventives et protectrices qui permettent de rompre avec les pratiques du passé. D’autant que notre appel à se départir de la rancoeur et à s’imprégner de la culture de la tolérance conjuguée à l’équité est à même d’ouvrir grands les horizons et de nous faire accéder, dans toute la fierté et la responsabilité, à un avenir radieux». Extrait du message Royal adressé le 10 janvier 2001 aux participants au 34ème Congrès de la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme tenu à Casablanca. Se basant sur les desseins de la noble charia islamique qui prône la vertu et la tolérance en tant que valeurs inspiratrices du comportement et de l’éducation, et fait de la justice un principe de base dans les relations entre les Hommes que le Très Haut a honoré;

 En vue d’approfondir la transition démocratique conduite par Sa Majesté le Roi, de la préserver contre les éventuels périls et de la consolider en ce qu’elle constitue un choix irréversible; Se basant sur l’attachement constant du Royaume du Maroc aux droits de l’Homme tels qu’ils sont universellement reconnus et consacrés par la Constitution; S’inspirant des principes et dispositions du droit international des droits de l’Homme en général, et des engagements de l’Etat marocain dans le cadre des conventions relatives aux droits de l’Homme; Poursuivant et parachevant les réalisations et les acquis en matière de règlement équitable du dossier des violations, entrepris depuis la dernière décennie du règne de feu Sa Majesté le Roi Hassan II que Dieu l’accueille en sa sainte miséricorde, et ayant débouché sur l’amnistie de centaines de détenus politiques et le retour d’exilés, la réintégration de la majorité d’entre eux dans leurs fonctions et le recouvrement de leurs droits, la libération de centaines de victimes de la disparition forcée, la fermeture des anciens centres de détention illégaux et l’indemnisation de milliers de victimes par l’Instance d’Arbitrage Indépendante chargée de l’Indemnisation au titre des préjudices moral et matériel subis par les victimes de la disparition forcée et de la détention arbitraire ainsi que leurs ayant-droits; Compte tenu des règles de justice et d’équité ayant servi de fondement à la mission dévolue à l’instance précitée; Partant des déclarations du Président du Conseil Consultatif des Droits de l’Homme à l’ouverture de la 17ème session dudit Conseil en date du 13 mars 2003 concernant la forte détermination de Sa Majesté le Roi à tourner définitivement la page du passé, dans la sérénité et sur la base des principes de justice et d’équité, ainsi que l’engagement du Maroc à la réparation et à la réconciliation dans un cadre humanitaire et civilisé, sachant que la vision réductrice qui avait été dictée par la conjoncture du passé est révolue à tout jamais, pourcéder la place à une vision globale des droits de l’Homme que le Maroc peut adopter et qu’il se doit de mettre en oeuvre; En vue de conforter la force de proposition, responsable et constructive, dont ont fait montre aussi bien les acteurs dans le domaine des droits de l’Homme et les politiques que les victimes à l’occasion du Symposium national sur le règlement juste des violations graves du passé; Dans le dessein de renforcer l’accumulation positive de réappropriation et de préservation de la mémoire collective et individuelle, concrétisée notamment à travers des oeuvres culturelles et artistiques et des «pèlerinages» symboliques pour la Vérité vers d’anciens lieux de détention au secret; Consacrant le dialogue constructif établi avec les représentants des autorités gouvernementales, les représentants des victimes et le mouvement des droits de l’Homme concernant le règlement de l’ensemble des dossiers du passé restés en suspens; S’inspirant des enseignements tirées des expériences nationales de pays dont les peuples se sont courageusement engagés dans la réconciliation avec leur passé, à travers des processus qui visent la préservation de la mémoire, rendent justice aux victimes, et consacrent l’unité nationale et l’Etat de droit dans ses toutes les dimensions institutionnelle, législative, culturelle et éducative, par l’entremise de commissions de vérité et de réconciliation oeuvrant dans le cadre d’une justice transitionnelle fondée sur les principes de justice et d’équité. A la lumière de ce qui précède, le Conseil Consultatif des Droits de l’Homme, en affirmant que l’approche qu’il préconise pour le règlement et la clôture du dossier des abus du passé procède d’une démarche dépourvue de tout esprit de rancoeur ou de revanche, de même qu’elle se démarque de toute recherche de responsabilité pénale; ayant en vue les nobles objectifs maintes fois rappelés par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, s’inscrivant dans le processus de réconciliation des Marocains avec leur passé, et dans le but de dépasser les effets de la rancoeur et guérir les blessures, de mettre en oeuvre toutes les formes de réparation médicale et humaine, de réhabilitation et d’intégration sociale des victimes et de leurs ayants droit, loin de toute exploitation mercantile ou idéologique de la vérité; et soucieux d’instaurer la culture de la tolérance conjuguée à l’équité, d’asseoir les garanties de prévention et de non reproduction des abus du passé, et de s’inscrire dans une nouvelle ère où toutes les potentialités seront investies dans l’édification d’un Maroc démocratique, moderne, fort, ouvert et tolérant, capable de faire face aux problèmes réels et concrets que confrontent ses nouvelles générations; Se basant sur les motifs précités et sur tout ce qui peut les compléter en faveur de la justice et de l’équité, de la promotion de la réconciliation et la préservation de la mémoire, et en vue d’adjoindre les acquis et les mesures entreprises à ce jour aux autres revendications justes et légitimes exprimées par les victimes, le mouvement des droits de l’Homme et la société, dans le cadre d’une approche et vision globales présidant au règlement définitif du dossier dans un esprit humanitaire et une perspective civilisationnelle; 

Se basant sur les discussions approfondies, les délibérations élargies et le dialogue sérieux et responsable qui ont eu lieu au sein du Conseil concernant la poursuite et le parachèvement du règlement définitif et équitable des violations graves du passé; Le Conseil Consultatif des Droits de l’Homme a l’honneur de proposer à la haute appréciation de Sa Majesté le Roi Mohammed VI la recommandation suivante: Instituer, conformément à l’article 7 du dahir du 15 Moharrem 1422 (10 avril 2001) portant réorganisation du Conseil Consultatif des Droits de l’Homme, une commission ad hoc dénommée «Instance équité et réconciliation», composée de personnalités faisant autorité pour leur compétence et intégrité intellectuelles et leur attachement sincère aux principes des droits de l’Homme et qui sera chargée, dans un délai de neuf mois prorogeable, le cas échéant, de trois mois au maximum, des missions suivantes : 

1. Procéder à une évaluation globale du processus de règlement du dossier de la disparition forcée et de la détention arbitraire depuis son lancement, à travers le contact et le dialogue avec le gouvernement, l’Instance d’Arbitrage Indépendante antérieurement chargée des indemnisations ainsi qu’avec les autorités publiques et administratives concernées, les organisations des droits de l’Homme et les familles des victimes; 

2. Poursuivre la recherche concernant les cas de disparitions forcées non encore élucidés et fournir tous les efforts pour aboutir à des résultats à leur sujet; 

3. Veiller à résoudre les cas des victimes de la disparition forcée et de la détention arbitraire dont le décès est jugé établi par l’instance et ce, par la détermination des lieux d’inhumation en vue de permettre à leurs proches de s’y rendre et de s’y recueillir; 

4. Poursuivre l’action de l’Instance d’Arbitrage Indépendante chargée de l’indemnisation au titre des préjudices matériel et moral subis par les victimes de la disparition forcée et de la détention arbitraire et leurs ayants droit, sur la base du même fondement arbitral et des principes de justice et d’équité en vue de statuer sur les demandes qui lui ont été soumises après l’expiration du délai antérieurement fixé au 31 décembre 1999. A cet effet, un délai d’un mois est ouvert pour recevoir des demandes d’indemnisation et ce, à compter de la date d’annonce de l’approbation de la présente recommandation par Sa Majesté le Roi; 

5. L’Instance demeure compétente pour fixer un délai concernant les demandes des ayants droit dans les cas prévus au paragraphe 2 ci-dessus; 

6. Veiller à la réparation de tous les préjudices subis par les personnes victimes de la disparition forcée et de la détention arbitraire et ce, par l’élaboration de propositions et de recommandations concernant l’intégration sociale, la réhabilitation et la réadaptation psychologique et médicale des victimes, le parachèvement du règlement des problèmes administratifs, juridiques et de réintégration professionnelle non encore résolus et l’examen des demandes relatives aux cas d’expropriation; 

7. Elaborer un rapport tenant lieu de document officiel de "l’Instance équité et réconciliation", comportant les conclusions des recherches effectuées et l’analyse des violations liées à la disparition forcée et à la détention arbitraire ainsi qu’un exposé des réalisations accomplies concernant les dossiers liés auxdites violations, et faisant état des recommandations et propositions à même de préserver la mémoire, de garantir la rupture définitive avec les pratiques du passé et de résoudre les conséquences des souffrances causées aux victimes, de rétablir et renforcer la confiance en l’Etat de Droit et le respect des droits de l’Homme; 

8. En vue de mettre en oeuvre les missions fixées ci-dessus, l’Instance entreprend toutes les actions visant à faire la lumière sur les faits non encore élucidés, réparer les préjudices, réhabiliter les victimes, promouvoir et réaliser la réconciliation. A cet effet, toutes les autorités et les établissements publics sont tenus d’apporter leur concours à l’Instance et lui fournir toutes informations et données à même de lui permettre de s’acquitter de ses missions; 

9. L’Instance et ses membres s’engagent à respecter et préserver le caractère confidentiel de toutes les sources d’information ainsi que la teneur des discussions et délibérations de l’Instance; 

10. L’action de l’Instance s’inscrit dans le cadre du règlement extrajudiciaire en cours visant le règlement du dossier des violations passées des droits de l’Homme. L’Instance ne peut, en aucun cas, après avoir effectué les enquêtes nécessaires, invoquer les responsabilités individuelles quelles qu’elles soient. Elle veillera à ne prendre aucune initiative de nature à susciter la désunion ou la rancoeur ou semer la discorde.

"Louange à Dieu
Paix et salut sur Son Prophète,
Sa Famille et Ses Compagnons
Mesdames, Messieurs,
Concrétisant Notre ferme volonté Royale d'aller toujours de l'avant dans la promotion des droits de l'Homme, dans la pratique et en tant que culture, nous voilà aujourd'hui, procédant à l'installation de la Commission Equité et réconciliation, et posant ainsi le dernier jalon sur un parcours devant conduire à la clôture définitive d'un dossier épineux, au terme d'un processus entamé au début des années 1990 et dont l'affermissement a fait l'objet de la toute première décision que Nous ayons prise au lendemain de Notre intronisation.
En ayant à l'esprit la diversité des expériences internationales en la matière, force est de reconnaître que le Maroc a pu instituer, avec sagesse et courage, un modèle qui lui est propre et qui lui a permis de réaliser d'importants acquis, dans le cadre de la pérennité de sa Monarchie démocratique et constitutionnelle, qui est le garant de l'inviolabilité de l'Etat et des Institutions, ainsi que de la dignité et des libertés des citoyens. Cette démarche s'est notamment traduite par la grâce accordée aux détenus politiques, la régularisation de leur situation professionnelle et administrative, le retour des exilés et expatriés, l'indemnisation des victimes des détentions arbitraires et des disparitions forcées, ainsi que les recherches sur le sort des personnes portées disparues.
A tous ceux qui, au sein de l'Etat ou de la société en général, ont permis la réalisation de ces acquis, Nous tenons à rendre un vibrant hommage. A cet égard, Nous Nous inclinons, avec humilité et déférence, devant la mémoire de l'initiateur de ce processus, Notre Auguste Père, Sa Majesté le Roi Hassan II, que Dieu L'ait en Sa sainte miséricorde. Nous saluons également tous ceux qui, parmi les autorités publiques, les partis politiques, les syndicats et les réseaux associatifs, ont contribué à l'œuvre accomplie.
Nous Nous félicitons également de l'action louable que l'Instance indépendante d'arbitrage a menée en matière d'indemnisation pour préjudices matériels et moraux subis, et qui a permis à notre pays de réaliser des avancées significatives, reconnues aux plans national et international. De ce fait, la Commission Equité et Réconciliation disposera d'une base solide pour mener à son terme l'œuvre engagée par l'organe auquel elle succède aujourd'hui.
Nous demeurerons attaché à la clôture définitive de ce dossier en favorisant le règlement extra-judiciaire équitable, et en veillant à ce que les préjudices du passé soient réparés et les blessures pansées. Nous adopterons, à cette fin, une approche globale, audacieuse et éclairée, fondée sur l'équité, la réhabilitation et la réintégration, outre la volonté de tirer les enseignements qui s'imposent et d'établir les faits. Notre objectif est que les Marocains se réconcilient avec eux-mêmes et avec leur histoire, qu'ils libèrent leurs énergies, et qu'ils soient partie prenante dans l'édification d'une société démocratique et moderne, gage de prévention de toute récidive.
Le travail accompli par la Commission précédente et le rapport final que vous allez élaborer pour l'établissement des faits, dans un délai déterminé, font que nous considérons votre instance comme une commission de la vérité et de l'équité. A cet égard, Nous avons conscience que, sans jamais être parfaite, la vérité ne peut être que relative, même pour l'historien le plus intègre. En effet, la vérité absolue n'est connue que de Dieu, le Très Haut, qui dit dans le Saint Coran : " Dieu connaît les yeux perfides et ce que les cœurs recèlent ".
Aussi, cette Commission trouvera-t-elle auprès de Notre Majesté, appui et sollicitude, eu égard aux délicates tâches qui l'attendent et au fait que son président M. Driss Benzekri et tous les autres membres de la Commission ont une réputation avérée d'objectivité, d'intégrité morale et d'attachement sincère aux droits de l'Homme, qualités auxquelles ils allient de hautes aptitudes dans le vaste domaine où la Commission est appelée à exercer ses attributions. Nous avons tenu à ce que ce soit une Commission ouverte, composée, pour moitié de membres du Conseil Consultatif des Droits de l'Homme, et pour moitié d'éléments aux profils et spécialités variés, mais unis tous par une communauté de dessein, à savoir la défense de ces droits.
Nous tenons ici à dire toute Notre émotion et à exprimer Nos remerciements les plus chaleureux aux membres de la commission qui ont tous adhéré avec ferveur à Notre démarche et accepté avec confiance et dévouement d'apporter leur contribution à la réussite de cette noble mission.
Nous sommes convaincu que Notre Commission qui se prévaut de personnalités aussi éminentes parviendra avec l'aide de Dieu, dans les délais impartis, à rétablir les victimes dans leur dignité, à apporter réconfort à leurs familles, et à réaliser la réconciliation apaisante. Elle saura, Nous en sommes persuadé, tirer le meilleur parti des réalisations antérieures et consolider les acquis pour parvenir à un règlement juste et équitable, humain, civilisé et définitif de ce dossier.
En élaborant son règlement intérieur, et en conduisant la noble mission qui lui est dévolue, la Commission aura à cœur de se conformer à la décision portant création de cette instance, ainsi qu'aux conventions internationales des droits de l'Homme et aux idéaux de l'Islam prônant la tolérance et le pardon.
Telle est la voie à suivre pour consolider l'esprit de citoyenneté positive et pour que la démocratie, le patriotisme et la dissémination de la culture des droits et devoirs de l'Homme, s'érigent comme le meilleur rempart pour prémunir notre société contre les tendances extrémistes et terroristes, que Nous sommes déterminé, du reste, à combattre avec la ferme volonté de ceux qui veillent à la sécurité et à la stabilité, dans le cadre de la primauté de la loi. Nous entendons, en effet, libérer les énergies qui permettront à tous les Marocains d'être parfaitement en phase avec les aspirations de leur patrie et de relever les défis internes et externes.
Nous considérons que cette réalisation constitue l'aboutissement et le couronnement d'un processus exemplaire et inédit, accompli par tous, avec assurance, audace et pondération, et aussi grâce à l'adhésion démocratique d'un peuple qui assume courageusement son passé et qui, au lieu de rester prisonnier de ses aspects négatifs, s'attache à y puiser la force et le dynamisme nécessaires pour bâtir une société démocratique moderne, où tous les citoyens puissent exercer leurs droits et s'acquitter de leurs devoirs, dans la liberté, avec responsabilité et dévouement.
Wassalamou alikoum warahmatoullah wabarakatouh."

 

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